vendredi 29 janvier 2016

Être licencié à cause de l'HADOPI, c'est possible.

Par une loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, la France a mis en place la fameuse Haute Autorité pour la Diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet. Son nom de code : HADOPI. Elle est aujourd'hui connue pour ses avertissements envoyés suite à la détection d'échanges illégaux d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.

En effet, le dispositif de la réponse graduée repose sur l’envoi de messages d'avertissement aux titulaires d'abonnements internet ayant manqué à leur obligation de surveillance de leur accès à internet.

La première étape consiste dans l'envoi d'un mail d'avertissement par voie électronique au titulaire de l'abonnement à internet utilisé par la personne réalisant le téléchargement, la diffusion ou l'échange du fichier incriminé.

En cas de réitération dans un délai de six mois suivant l'envoi du premier avertissement, l'HADOPI peut enclencher la seconde étape de la réponse graduée : l'envoi d'un avertissement par message électronique, doublée d'une lettre recommandé. Enfin, et en cas de nouvelle réitération dans un délai d'un an, l'HADOPI  informe le titulaire de l'abonnement par une lettre recommandée que ces faits sont susceptibles de poursuites pénales. Elle peut alors décider de la transmission du dossier au parquet.

Comme rappelé précédemment, l'ensemble du dispositif HADOPI repose sur l'envoi des divers avertissements à une seule et unique personne : le titulaire de l'accès à l'internet - qui demeure tenu en outre à une obligation de sécurisation de son accès Internet. Mais que se passe-t-il quand un salarié télécharge depuis son lieu de travail ? In fine, c'est l'employeur qui devient l'heureux destinataire des notifications.

L'employeur peut alors être tenté d'utiliser ces avertissements pour procéder au licenciement du salarié à l'origine des faits. En effet, l'HADOPI adresse une preuve d'un usage non professionnel d'outils informatiques mis à la disposition du salarié - à des fins professionnelles. En outre, le risque de poursuites pénales accroît la démonstration d'un usage non toléré par l'employeur. Mais, encore faut-il pour l'employeur, démontrer que l'auteur des faits est bien un salarié déterminé.  Deux récentes décisions permettent d'illustrer cela.

Tout d'abord, un salarié avait été licencié pour faute grave à la suite de "téléchargements ou partages d'oeuvres en violation des droits d'auteur ont été constatés, par procès verbaux, tout d'abord le 1er mai 2013 à 11h16, le dimanche 5 mai 2013 à 18h16, puis le dimanche 1er septembre 2013 à 12h14, les faits ayant été commis à partir du logiciel Utorrent, et d'une adresse IP, expressément désignée et correspondant à la connexion internet [du PC sécurité d'un centre commercial]".

A la suite de la réception de ce courrier, l'entreprise avait décidé d'interroger l'ensemble des salariés afin de déterminer lesquels étaient présents aux dates et heures mentionnées par l'HADOPI dans son courrier. A l'issue de ces recherches, l'entreprise identifiait un unique salarié. Elle procédait à son licenciement. Ce dernier contesta, arguant notamment du défaut de sécurisation de l'accès à Internet.

Lors des débats, l'argument fit mouche. La preuve n'était pas aussi évidente. En effet, les juges relèvent que :
La diffusion de l'adresse IP depuis 2009 [comprendre: diffusion de codes Wifi inchangés depuis 2009]  ajoutée à la possibilité de se connecter au réseau Wifi en dehors du poste de sécurité, caractérise ainsi une faille dans le système de connexion, empêchant de retenir que cette connexion devait nécessairement être effectuée depuis le poste de sécurité.
Dans ces conditions, les juges estiment que l'employeur échoue à démontrer la seule responsabilité du salarié. Ils considèrent donc que le licenciement est dépourvu de tout cause réelle et sérieuse.

Autre exemple, un salarié avait été licencié suite à la réception par son employeur d'une courrier émanant de l'HADOPI concernant des téléchargements illégaux effectués depuis l'accès à internet de la société. L'examen du disque dur de l'ordinateur portable avait alors révélé un nombre significatif d'images et de vidéos téléchargées.

Dès lors que le salarié n'avait pas contesté cette utilisation du matériel professionnel lors de son entretien préalable, cette utilisation non professionnelle de l'outil professionnel est de nature à être prise en compte pour justifier un licenciement pour faute.

Source: 
CA Poitiers, 20 janvier 2016, n° 2014/04579
CA Orléans, 21 janvier 2016, n° 2014/01448

lundi 25 janvier 2016

Facebook utilisé pour justifier la fin du versement d'une pension alimentaire

Quand le droit s'appuie sur les réseaux sociaux, la suite. Récemment, nous avons vu comment les juges tiennent compte (ou non) des revenus générés par les plates-formes collaboratives pour la fixation du montant de la prestation compensatoire due par un des ex-époux au profit de l'autre.

Récemment, les juges ont eu l'occasion de se pencher sur un autre élément du droit du divorce : la pension alimentaire versée par l'un des parents pour l'entretien de l'enfant à la suite de la séparation.

En effet, et selon l'article 371-2 du Code civil, "Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur".

Ainsi, chaque parent est tenu de subvenir aux besoins de ses enfants, et ceci peu importe que l'enfant soit majeur ou non. Le parent qui voudrait cesser le versement de cette pension alimentaire devra alors démontrer que son enfant peut subvenir à ses besoins.

En cela, Facebook peut apporter une aide inattendue:
"[le père] produit un extrait de la page d'accueil Facebook de sa fille mentionnant que l'intéressée a trouvé un emploi en contrat à durée indéterminée dans le Vaucluse"
Sur la base de cet élément, les juges considèrent que la preuve est rapportée que l'enfant peut s'assumer et, en conséquence, qu'il "convient de supprimer la contribution alimentaire du père"

Source:
CA Rennes, 11 janvier 2016, n° 14/08165



lundi 18 janvier 2016

Les plates-formes collaboratives, leurs revenus et la prestation compensatoire en cas de divorce

Quand l'économie collaborative s'immisce dans chaque couche du droit. Aujourd'hui, le droit de la famille ou plus exactement, le "droit du divorce". Aux termes de l'article 270 du Code civil, "le divorce met fin au devoir de secours entre époux".

Une des conséquences du divorce est le versement par l'un des époux d'une prestation "destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives". Il s'agit de la fameuse prestation compensatoire.

Cette prestation est destinée à compenser la perte de revenus qu'un des époux pourrait avoir du seul fait du prononcé du divorce - somme qui peut alors se cumuler avec une pension alimentaire versée par l'un des époux à l'autre pour l'entretien des enfants.

L'article 271 du Code civil prévoit une liste d'éléments et de critères que le juge est amené à prendre en considération pour fixer le montant de cette prestation compensatoire comme par exemple "le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu".

Qu'en est-il des revenus tirés de l'utilisation, par un des anciens époux, d'une plate-forme collaborative comme Airbnb ou BlaBlaCar?

La Cour d'appel d'Aix-en-Provence s'est penchée sur la question de revenus locatifs générés par l'entremise du site Airbnb. Lors des débats sur la fixation du montant de la prestation compensatoire, l'ex-épouse indiquait qu'elle ne disposait d'aucun revenu.

Néanmoins, les juges relèvent
"Toutefois, à la suite du constat d'huissier établi le 24 mai 2013, à l'initiative de [l'ancien époux] ainsi que des constats d'huissier établis les 27 octobre 2014 et 7 avril 2015, il est démontré que celle-ci a perçu des revenus locatifs en sous louant l'appartement qu'elle occupe, notamment via le site Airbnb pour un montant journalier allant de 280 à 460 euros. 
Celle-ci reconnaît, dans ses écritures, avoir loué des chambres soit à des étudiants, soit dans le cadre d'une activité de chambres d'hôtes ; elle précise avoir perçu pour la location estudiantine un revenu de 1200 euros pour l'année 2011, 1900 euros pour l'année 2012, 3 800 euros pour l'année 2013, 1900 euros pour l'année 2014. S'agissant de son activité de chambres d'hôte, elle indique un chiffre d'affaire s de 354 euros pour l'année 2012, 25 055 euros pour l'année 2013, (soit un bénéfice de 7516 euros), un bénéfice de 13 366 euros pour l'année 2014"
Sur la base de ces éléments, les juges considèrent que "même si l'épouse perçoit des revenus locatifs dont elle ne justifie pas le montant, il est établi l'existence d'une disparité découlant de la rupture du mariage à son détriment".

Est-ce à dire que les revenus tirés d'Airbnb ont été pris en compte pour le calcul de la prestation compensatoire attribuée à l'ex-épouse ? La mention précise des revenus générés ne fait pas de doute que le juge a pris en compte ces derniers dans la détermination des revenus perçus par l'ex-épouse et ainsi déterminer si cela pouvait être de nature à réévaluer le montant de la prestation compensatoire.

Même approche pour des revenus tirés de l'usage de BlaBlaCar par l'ancienne épouse. Lors de l'examen des ressources des deux époux, les juges ont eu l'occasion de se pencher sur le cas de revenus provenant du covoiturage. En l'espèce, ils relèvent :
Si les relevés de compte bancaire afférents à la période du 1er décembre 2014 au 16 juin 2015 font constater qu'à cette époque [l'ex-épouse] appartenait au réseau «BlaBlaCar» les sommes versées en contrepartie d'un service de co-voiturage restent modiques et irrégulières.
Les juges considèrent que ces sommes - en raison de leur montant et de leur irrégularité - n'avaient pas à être prises en compte comme un revenu au sens de l'article 271 du Code civil et ainsi ont été écartées lors l'appréciation du déséquilibre causé par la fin du mariage.

Si les sommes tirées de l'usage d'une plate-forme collaborative demeurent encore faibles, il ne fait pas de doute que les juges tiendront compte de ces revenus complémentaires - dès lors qu'ils quittent le domaine du modique et s'inscrivent dans la durée et la régularité - pour l'appréciation du patrimoine des époux.

Sources:
CA Aix-en-Provence, 27 octobre 2015, n° 14/22596
CA Douai, 5 novembre 2015, n° 14/05295



mercredi 13 janvier 2016

Louer son logement de manière régulière sur Airbnb n'est pas sans risque juridique

Récemment, la presse se faisait l’écho de la décision de la Mairie de Paris de lancer une opération “coup de poing” contre les locations abusives d’appartements meublés au sein de la capitale. Dans la ligne de mire, le site Airbnb et le fait que de très nombreux logements sont offerts par des particuliers sur ce site.

Si rien n’interdit à un particulier, de manière occasionnelle, d’accueillir à son domicile - moyennant finances - des individus, il en va tout autrement lorsque cette activité devient professionnelle. Cela soulève des questions de nature fiscale - mais éloignons nous de cette matière pour le moment. On retrouve surtout le débat, récemment évoqué, du seuil de qualification d’un internaute en “professionnel” et de l'impact juridique de cette qualification.

Aux termes de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation  - applicable dans les communes de plus de 200.000 habitants - , "constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1”.

Le même article ajoute que “Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article". On retrouve ici les critères du professionnalisme : régularité de l’acte de commerce, à savoir une location régulière du bien immobilier “à une clientèle” de passage.

Louer régulièrement son appartement sur Airbnb peut fâcher l’Etat


La première conséquence de cela est de nature pénale. En effet, "Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25.000 euros”. Oui, 25.000 euros. Et là, je sens que j’ai capté votre attention, non ?

Après, comme on le dit régulièrement, il y a la règle de droit et sa mise en oeuvre. Mais, en l’espèce, elle est mise en oeuvre. Prenons cette ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Paris en date du 21 septembre 2015.

En l'espèce, un agent assermenté du “Bureau de la Protection des Locaux d’Habitation” (BPLH) de la ville de Paris a constaté qu’un logement (situé dans le 3e arrondissement à Paris) était régulièrement proposé à la location sur le site Airbnb. Les propriétaires expliquent qu’ils résident en Anjour, qu’ils ont acheté l’appartement en question comme pied à terre et qu’ils en ont “profité pour louer l’appartement temporairement sur le site Airbnb essentiellement de janvier à mars 2015”. De son côté, le rapport du BPLH relevait que l’appartement avait fait l’objet de locations de courte durée à plusieurs reprises à partir du mois d’octobre 2014.

Sur la base de cette régularité dans la location meublée, les juges ont considéré que les propriétaires avaient fait un “changement d’usage” de cette immeuble - sans respecter les règles applicables. Et qu’en conséquence, la sanction prévue à l’article L. 652-1 du Code de la construction et de l’urbanisme était applicable.

Alors que le Ministère public demandait une amende de 14.000 euros, les juges décidèrent, “au vu des tarifs demandés pour la location de l’appartement”, de fixer l’amende à la somme de 2500 euros. Les propriétaires ayant, en outre, apporté la preuve d’une location de longue durée du bien immobilier, ils échappent à toute astreinte.

Au-delà de la sanction pécuniaire, proposer régulièrement son bien immobilier sur Airbnb peut aussi créer quelques tensions avec son syndic de copropriété.

Louer régulièrement son bien sur Airbnb peut fâcher son syndic


Premier example. Un propriétaire avait donné en location son appartement situé dans le 15e arrondissement. Seulement, sa propre locataire avait décidé à compter du mois de novembre 2012 de proposer à la location, via AirBnb, l’appartement en question et ceci pour des périodes de courte durées à des touristes français et étrangers. En octobre 2014, le syndicat de copropriétaires - excédé par la nuisance provoquée par les allers et venues des touristes - décida de saisir la justice à l’encontre du propriétaire du bien et de sa locataire.

Tout d’abord, les juges reprennent la doxa interne de l’immeuble, à savoir le règlement de copropriété qui dispose que “L'immeuble est destiné à l'habitation. L'exercice des professions libérales est admis à condition qu'il n'en résulte pas des allées et venues de personnes étrangères à la résidence dépassant en moyenne celles résultant d'une utilisation bourgeoise et familiale de l'appartement. En tout état de cause, toute réception de clientèle est interdite entre 20 heures et avant 9 heures".

Les juges relèvent ainsi qu’il “résulte de ces dispositions, claires et insusceptibles de dénaturation, que la destination de l'appartement [du propriétaire] est l'habitation et que le règlement de copropriété n'autorise pas une exploitation commerciale des lieux”.

Deuxième temps du raisonnement: la locataire a-t-il fait une exploitation commerciale des lieux ? Sur la base - notamment d’un constat d’huissier, il apparait les éléments suivants:

  1. le locataire est inscrit sur le site Airbnb depuis le mois de novembre 2012
  2. Il propose de façon régulière à la location via ce site, l'appartement pour des périodes de courte durée à des touristes français ou étrangers tout au long de l'année et sans que l'appartement soit utilisé à d'autres fins, selon les extraits du site internet Airbnb versés aux débats.
  3. Le constat d’huissier réalisé dans l’appartement à la demande du syndic démontre  (i) qu'il n'y a aucun document personnel établi au nom du locataire en titre dans l'appartement, (ii) que la salle de bain est rangée et équipée de façon hôtelière, sans aucun nécessaire de toilette ou objet personnel, (iii) que la chambre dispose d'une commande, laquelle est totalement vides, (iv) qu'un jeu de clés est posé sur la table de la salle à manger, équipée d'un téléviseur sur lequel une étiquette est apposée "Wifi free box X", (v) que de nombreux guides et documents touristiques sont déposés ostentatoirement sur les quelques meubles et (vi) qu'aucun document à caractère personnel n'a été trouvé dans l'appartement.

Il apparaît donc clairement que le logement a changé de destination. Les juges ajoutent alors:
Or, un logement donné en location touristique n'est plus considéré comme affecté à l'habitation lorsqu'il est donné en location pour des durées inférieures à une année à des touristes de passage, ce qui entraîne un changement d'usage selon le code de la construction et de l'habitation, au sens de l'article L. 631-7 précité : une telle location est irrégulière et illicite si elle n'a pas été autorisée préalablement par l'autorité préfectorale. Les dispositions d'ordre public de ce texte peuvent être invoquées par toute personne y ayant intérêt, y compris le syndicat des copropriétaires. [Le propriétaire] ne justifiant pas avoir demandé ni obtenu une autorisation préfectorale pour louer en meublé touristique de courte durée son appartement destiné à l'habitation, laisse donc une activité illicite se dérouler dans son appartement, alors même qu'aucune utilisation commerciale des lieux n'est permise par le règlement de copropriété”.
Outre le propriétaire, les juges sermonnent également la locataire du bien:
“il y a lieu de rappeler, d'une part, qu'elle exerce une activité illicite dans la mesure où l'appartement est à vocation d'habitation sans qu'une autorisation de l'autorité préfectorale ait été sollicitée ou obtenue et, d'autre part, que cette activité est effectuée en contravention au règlement de copropriété qui s'impose au locataire, alors que le syndicat des copropriétaires dispose d'une action directe à l'encontre du locataire en cas de violation du règlement de copropriété”.
En conséquence, le Tribunal ordonne au propriétaire “de faire cesser l'activité "hôtelière" ou de location saisonnière de courte durée exercée par sa locataire”. Il ordonne également à la locataire “de cesser l'activité "hôtelière" ou de location saisonnière de courte durée qu'elle exerce” dans l’appartement et ceci sous astreinte de 100 euros par jour. Elle est aussi condamnée à verser 2000 euros au syndic de copropriétaires pour l’indemniser des frais d’avocats.

Autre example à propos d’un logement situé dans le 19e arrondissement de Paris. Ici, le propriétaire proposait directement à la location son immeuble sur Airbnb. Comme précédemment, le Tribunal s’appuie tout d’abord sur le règlement de copropriété qui dispose que les locaux de l'immeuble “devront être occupés bourgeoisement (...). Aucun commerce, aucune industrie, aucune profession ne pourront être exercés dans l'immeuble. (...) Les copropriétaires devront veiller à ce que la tranquillité de l'immeuble ne soit à aucun moment troublée par leur fait, celui des personnes de leur famille, de leurs invités, de leur client ou des gens à leur service”.

Le propriétaire a reconnu louer de manière régulièrement son appartement à des touristes par l’intermédiaire du site Airbnb. En outre, “il ne conteste pas les nuisances invoquées par le syndicat des copropriétaires, qui se plaignent d'allers et venues incessants, dont attestent la concierge de l'immeuble et deux occupants”.

Se basant sur l’analyse précédente, le Tribunal ordonne donc au propriétaire de cesser son “activité de location de courte durée de son appartement comme meublé touristique et ceci sous astreinte de 300 euros par infraction constatée. Il est également condamné à verser 800 euros de frais de justice à son syndic.

Ainsi donc, et au-delà de la question de l'assujettissement de l’utilisateur Airbnb à un certain nombre d’obligations fiscales et sociales, on se rend compte que pratiquer régulièrement l’activité de location de son bien meublé pour de courtes durées peut avoir d’autres lourdes conséquences.

Dans les grandes agglomérations, il ne sera possible de transformer son bien en “meublé touristique” qu’après l’obtention d’une autorisation administrative. A défaut, le propriétaire s’expose à une amende maximale de 25.000 euros.

En complément du risque d’amende, le syndicat de copropriété sera aussi en mesure de forcer le propriétaire de respecter la lettre du règlement de copropriété et ainsi de stopper ses activités (ou de faire cesser les activités de son propre locataire).

Sources:
TGI Paris, référé, 21 septembre 2015, n° 15/57364
TGI Paris, référé, 16 juin 2015, n° 14/60303
TGI Paris, référé, 12 août 2015, n° 15/56027

Quand l'internaute devient-il un professionnel ?

Il semble que cela soit la question du moment tant elle a eu l'occasion d'animer quelques débats parlementaires lors du dernier collectif budgétaire. En effet, la généralisation de plates-formes collaboratives - et de l'économie du même nom - repose la question de la qualification juridique de ces internautes qui font un peu (ou beaucoup) de business en vendant des produits, louant des objets, louant leur appartement (ou certaines pièces de leur appartement), en transformant leur salon en coworking space, en covoiturant des passants, etc.

Derrière cette question, émerge un phénomène appelé communément le paracommercialisme, à savoir le fait pour des individus d'avoir une activité professionnelle sans être pour autant régulièrement déclarés comme professionnel.

Ce phénomène existe sur l’internet. Il n’est pas nouveau. Par une circulaire du 12 août 1987 relative à la lutte contre les pratiques paracommerciales, plusieurs ministres indiquaient qu’il ne pouvait être admis "qu’avec une concurrence devenue plus intense certaines entreprises rencontrent des difficultés, non pas parce qu’elles sont insuffisamment efficaces, mais parce qu’elles perdent des clients au profit de concurrents dont la seule performance consiste à ne pas supporter les mêmes charges".

Il faut noter que le développement de telles activités n’est, en général, pas l’expression d’une volonté d’échapper à un régime juridique. La circulaire du 12 août 1987 rappelait, d’ailleurs, que "le développement des pratiques paracommerciales est un mouvement spontané qui témoigne souvent moins d’un désir de fraude que d’initiatives naturelles de personnes ou d’organismes voulant développer leur activité sans prendre connaissance des règles qui leur sont applicables".

Comment le droit définit un professionnel ? 


Le droit commun fait référence à une notion centrale, le commerçant, et plus rarement à  celle de professionnel. L’article L. 121-1 du Code du commerce précise que "sont  commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle". Selon l’article L. 110-1 du même code, sont notamment des actes de commerce, "1º tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre". Un double critère est donc appliqué : celui de la réalisation de certaines activités (actes de commerce, etc.) et celui de l’exercice de cette activité à titre habituel.

La jurisprudence a pu estimer que l’activité commerçante s’entend d’une "occupation sérieuse de nature à produire des bénéfices et à subvenir aux besoins de l’existence". Les juges ont donc apporté une précision complémentaire à savoir la nécessité, pour le commerçant, d’avoir une activité susceptible de lui procurer des revenus suffisants pour vivre.

Ces critères (activité, habitude, rémunération) sont repris par d’autres textes, par exemple, en matière de droit du sport, en matière de protection sociale ou en matière fiscale.

Où se situe la frontière entre un professionnel et un non professionnel?


Au début des années 2000, j'avais eu l'occasion de coordonner les travaux du Forum des droits sur l'internet (aujoud'hui disparu, une sorte d'ancêtre du Conseil national numérique) sur les relations commerciales entre particuliers. La question - centrale - était de correctement qualifier un vendeur (professionnel ou non) afin de déterminer les règles applicables.

Dans ce rapport datant de 2005, on avait conclu que plusieurs critères permettent de qualifier de professionnel un particulier. Le changement de statut du particulier ne sera pas lié à l’application d’un seul de ces indices mais au constat que l’internaute en remplit plusieurs. Et donc de conclure que c’est "un faisceau d’indices qui déterminera le statut exact du vendeur".

Les indices sont les suivants:

  • la régularité de l'activité: les juges rechercheront si le vendeur procède à son activité de manière fréquente et régulière et non pas de manière occasionnelle. La doctrine administrative a ainsi pu estimer que "le particulier qui se livre à titre habituel à des actes de vente sur un site marchand est un commerçant de fait au sens de l’article L. 121-1 du Code du commerce". La circulaire du 12 août 1987 avait adopté le même critère en estimant qu’en "aucun cas, la vente d’objets mobiliers personnels par un particulier [qui ne souhaite pas devenir un professionnel], qu’elle soit réalisée dans des lieux publics ou privés, ne doit présenter un caractère habituel".
  • le caractère lucratif de l’activité : les juges tenteront de déterminer si le vendeur souhaite tirer des revenus de son activité. L’absence de revenus suffisants pour vivre n’est pas pour autant un élément suffisant pour prouver le caractère non lucratif de l’activité.
  • l’intention d’avoir une activité professionnelle : ce critère permet de déterminer la volonté réelle du vendeur. Pour démontrer cette intention, il est possible de recourir à plusieurs indices de commercialité : 
  1. la réalisation d’actes de commerce au sens de l’article L. 110-1 du Code de commerce. Ainsi, un particulier réalisant à titre habituel des actes d’achats pour revendre pourra être considéré comme un professionnel. Cela a notamment été jugé en 2006 pour un vendeur utilisant eBay ;
  2. l’existence d’un système organisé de vente à distance : il s’agira par exemple de la réalisation par le vendeur d’une page personnelle présentant les objets mis en vente, de l’ouverture d’une boutique virtuelle, de la rédaction de conditions générales de vente, de la réalisation de publicités, de l’utilisation d’outils professionnels d’expédition des produits voire de l’aménagement de locaux destinés spécifiquement à cette activité marchande.

Cette liste ne fait intervenir aucun seuil de valeur à partir duquel le vendeur serait considéré comme un professionnel. En effet, les principes jurisprudentiels et issus des textes communautaires s’opposent à l’intégration d’un tel critère qui pourrait, en outre, être perçu comme arbitraire, voire artificiel.

Et donc, ici réside une difficulté pour le juriste, mais également le fiscaliste ou le parlementaire. L'activité professionnelle ne se déduit pas d'un seuil ou d'un volume de ventes. Elle se déduit d'un comportement, celui de l'internaute ou de l'individu qui agit comme un professionnel en essayant, de manière régulière, de tirer un profit.

Pourquoi ne pas envisager un seuil arbitraire ? 


La question s'est déjà posée à plusieurs reprises. Le rejet de tout seul de qualification en professionnel repose sur une réalité économique. Outre l'aspect arbitraire, un internaute qui réaliserait pour  - disons - 5000 euros de revenus sur des plates-formes collaboratives pourra être considéré comme un professionnel ou non. Par exemple, un internaute qui revend d'occasion sa voiture sur LeBonCoin pourra sans doute dépasser ce seuil de 5000 euros mais n'est pas un professionnel. Un internaute qui sous-loue régulièrement sur Airbnb une pièce de son appartement (disons 50 fois pour un montant de 100 euros) génèrera le même montant, mais sa qualification en professionnel ne fera presque plus de doute. A noter qu'eBay avait instauré une idée de seuil de 2000 euros.

La question du seuil est revenue récemment, lors des débats autour du Projet de loi de finances pour 2016. Elle s'était posée lors de la discussion du Projet de loi de finances rectificative pour 2008 ! A l'époque, le Sénateur Marini avait déposé un amendement tendant à instituer un seuil de 5000 euros ou plus de 12 transactions pour qualifier un internaute de professionnel. Cette proposition n'avait jamais prospéré tant les seuils étaient irréalistes. Un internaute vendant plus de 12 livres d'occasion auraient eu à déclarer les revenus ainsi générés sur sa déclaration d'impôts sur le revenu.

En l'absence de seuils, le Parlement a adopté en décembre un autre dispositif.

En application de l'article 87 de la loi de finances pour 2016, les plates-formes collaboratives seront tenues de fournir "à l'occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire". Mais surtout, "les entreprises adressent, en outre, à leurs utilisateurs, en janvier de chaque année, un document récapitulant le montant brut des transactions dont elles ont connaissance et qu'ils ont perçu, par leur intermédiaire, au cours de l'année précédente".

Une telle obligation d'information n'est pas sans conséquence. Comment un internaute réagira lorsqu'il recevra ce récapitulatif annuel envoyé par sa plate-forme collaborative préférée - surtout sachant que copie de ce récapitulatif annuel est également transmis aux administrations fiscales et sociales ?

Sans doute qu'il interrogera la plate-forme sur le fait de savoir s'il doit déclarer ces revenus à l'administration fiscale. La plate-forme aura plusieurs choix: soit délivrer une information spécifique et personnalisée ("Non mon bon monsieur, vous n'êtes pas professionnel" ou "Mais oui, vous devez même vous inscrire au RCS!"), soit renvoyer à ses pages d'informations, génériques et sans doute difficilement compréhensible pour l'internaute lambda.

A défaut de seuil, l'internaute ne saura pas comment se comporter. Sans doute qu'une grande partie ajoutera spontanément à sa déclaration de revenus, les sommes ainsi générées par l'usage des plates-formes collaboratives. Ils paieront donc de l'impôt sur des revenus qui n'auraient pas été forcément qualifiés de revenus d'activité professionnelle.

Peut-être que dans le futur, la question de l'élaboration de seuils reviendra à l'ordre du jour. Il est clair que l'envoi de récapitulatifs annuels à tous les internautes sera source de confusion auprès de particuliers qui ne sauront plus dans quelle catégorie ils se trouvent.

Devra-t-on imaginer un mécanisme de présomption simple, où au-delà d'un seuil arbitraire, l'internaute serait présumé être un professionnel, libre à lui ensuite de renverser cette présomption en démontrant qu'il ne rentre pas dans les critères comportementaux du professionnel ?

Dans tous les cas, la question va devoir se poser. Si le mécanisme d'information généralisée peut adresser la problématique sur le terrain de l'impôt et des cotisations sociales, la qualification en professionnel emporte de nombreuses conséquences. Application des règles spécifique du droit de la consommation (comme le droit de rétractation), obligation d'inscription dans des registres professionnels, souscription d'assurances professionnelles, etc. Le sujet demeure ouvert.

mardi 12 janvier 2016

Un usage immodéré d'internet à des fins personnelles justifie le licenciement. Encore faut-il le prouver

Voici 14 ans, et avec son célèbre arrêt Nikon, la Cour de cassation marquait la frontière entre ce qui relevait de la vie privée et de la vie professionnelle dans l'usage des outils informatiques mis à la disposition des salariés par leurs employeurs.

Depuis, le contrôle de l'activité des salariés et son corollaire, la consultation de sites internet "non professionnels" par des salariés, sont devenus une cause régulièrement utilisée par l'employeur pour engager une procédure disciplinaire, voire un licenciement.

Au fil du temps, la jurisprudence a construit une approche cohérente. En 2008, la Cour de cassation rappelait que "les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence".

Plusieurs débats ont alors émergé. Tout d'abord, celui de savoir si la consultation de sites internet "non professionnels" se fait dans une limite non acceptable - la jurisprudence reconnaissant la possibilité d'une consultation "raisonnable" de sites non professionnels.

Ensuite, celui de savoir si la surveillance du salarié par l'employeur - ce que permet le pouvoir de direction de l'employeur - s'est faite de manière légale (information préalable, respect de la loi informatique et libertés, etc.).

Enfin, celui de l'imputabilité des faits. Dès lors que l'employeur estime qu'un volume important de connexions personnelles a été enregistré sur un poste informatique, encore faut-il démontrer que le salarié visé en est bien à l'origine. Il faut rappeler qu'en la matière, il revient toujours à l'employeur d'apporter la preuve des faits qui sont reprochés à un salarié.

Quelques exemples récents viennent illustrer cette jurisprudence.

Tout d'abord, un employeur avait licencié une salariée au motif que "une très grande partie de votre temps de travail sur les trois derniers mois a été consacrée à la consultation de divers sites internet non professionnels. Ce comportement est également fautif et dénote un manque de loyauté total vis à vis de l'entreprise. Nous en avons le témoignage et quelques preuves".

Les juges confirment l'analyse de l'employeur en estimant que:
"le rapport d'activité des connexions internet de [la salariée] pendant la période de juillet 2013 à octobre 2013 [montre des] consultations pouvant occuper jusqu'à 20% du temps de travail de la salariée; que la salariée dénonce vainement 'un grossier montage informatique ' alors que ces résultats portent sur les connexions opérées sur l'ordinateur professionnel de la salariée pendant son temps de travail".
Les juges considèrent que cette consommation excessive de sites personnels constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement - sans pour autant y voir une faute grave.

Une autre affaire concernait un employeur qui reprochait à un salarié d'avoir utilisé un ordinateur de l'entreprise aux fins de se connecter à des sites pornographiques, des faits contestés par ce salarié "qui affirme que de nombreux salariés avaient accès au poste informatique et que l'employeur n'établit pas qu'il ait été l'auteur de ces connexions".

Pour démontrer les faits, "l'employeur verse aux débats un relevé des connexions internet effectuées à partir dudit ordinateur mentionnant la consultation de sites pornographiques ainsi que l'emploi du temps du salarié mettant en évidence sa présence au sein de l'entreprise lors de ces connexions".

Néanmoins et comme le rappellent les magistrats:
"il ne résulte pas des éléments versés aux débats que [le salarié] ait été le seul salarié à avoir accès au poste informatique et qu'il ait bien été présent devant l'ordinateur lors des créneaux horaires concernés. En effet, il résulte des éléments produits en cause d'appel que le local contenant le poste informatique était accessible à plusieurs salariés pour leur permettre d'effectuer leurs commandes, que chaque salarié devait obtenir la clé dudit local en signant au préalable un registre auprès de l'agent de sécurité ; que le registre n'étant pas produit aux débats, il n'est pas possible de déterminer avec certitude que le salarié ait été le seul à avoir accès au local lors des connexions internet susvisées et, ce, d'autant qu'il ressort de la lecture du listing de connexions qu'un nombre important de sites non professionnels était visité à partir de ce poste informatique". 

Dans ces conditions, les juges ont estimé que les preuves fournies "ne permettent pas de tenir les faits reprochés au salarié comme établis avec certitude, en sorte que, le doute devant profiter au salarié comme prévu à l'article L.1235-1 du code du travail, l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et a fortiori d'une faute grave doit être écartée".

Autre et dernier exemple, un employeur avait licencié son salarié pour un usage abusif de sa connexion internet. Dans la lettre de licenciement, il mettait notamment en avant plusieurs listings internet avec la mention des heures de consultation des sites internet. Par exemple, l'employeur relevait des connexions régulières sur Booking, Voyages SNCF, Venere, Best Western, Tripadvisor, Expedia, Yves Rocher, Leroy Merlin, etc.

Pour sa défense, le salarié alléguait qu'il n'est pas démontré que ce soit lui l'auteur de la consultation sur tous les sites relevés. Mais les juges rejettent l'argument estimant, "qu'outre le fait que [le salarié] reconnaît implicitement qu'il visite ces sites dans ses courriers en indiquant 'mon contrat ne stipule pas un article m'interdisant de surfer sur internet entre 12h et 14h, [plusieurs témoins] confirment que chaque salarié disposait d'un ordinateur avec un accès internet pour chacun d'eux, utiliser leur propre PC et n'avoir jamais utilisé celui [du salarié]".

Sources:
CA Douai, 27 novembre 2015, n° 14/04368
CA Amiens, 2 décembre 2015, n° 14/01023
CA Versailles, 7 janvier 2016, n° 13/04949

lundi 4 janvier 2016

Sur Facebook, on peut (sous conditions) vouloir "exterminer une directrice chieuse"

Depuis la généralisation de l'usage de Facebook, plusieurs employeurs ont tenté de s'appuyer sur les propos qui y étaient tenus par des salariés pour justifier leur licenciement. A chaque fois, les magistrats font une analyse précise de l'affaire afin de vérifier que les propos qui y sont tenus peuvent être utilisés dans le cadre d'une procédure disciplinaire.

Le premier élément recherché par les juges demeure la publicité des propos. Les propos tenus sur Facebook sont-ils tenus publiquement ou non ? La loi ne fixe pas une limite claire entre une correspondance privée et ce qui relève de la correspondance publique. En l'absence de texte, les juges sont venus construire une jurisprudence assez complète en la matière. Relève de la correspondance privée, un message diffusé par une personne à une autre personne identifiée ou diffusé dans le cadre d'une communauté d'intérêt, autrement dit un groupe de personnes qui ont été choisies.

Et donc la question habituelle est la suivante: les propos tenus sur Facebook sont-ils librement accessibles ? Ou simplement diffusés dans le cadre d'une communauté d'intérêts ? Dans l'affirmative, le message incriminé sera considéré comme une correspondance privée inutilisable par un employeur dans le cadre d'une procédure disciplinaire. 

Une récente décision illustre cette frontière. En l'espèce, une salariée mécontente de son employeur avait rejoint un groupe Facebook au doux nom évocateur de "Extermination des directrices chieuses". Selon son employeur, la salariée y a ensuite proféré des propos injurieux et offensant à son égard. Ces propos seront utilisés dans le cadre d'un licenciement pour faute grave.

Mais les juges viennent mettre un coup d'arrêt à la procédure. Ils rappellent tout d'abord le principe précédemment évoqué:
"Cependant la seule existence de propos injurieux et calomnieux sur le réseau social ne suffit pas, en elle-même, à justifier le licenciement d'un salarié, il incombe à l'employeur de démontrer le caractère public des correspondances litigieuses."
Appliqué au cas d'espèce, il apparaît que
les "propos tenus par (la salariée) sur Facebook sont d'ordre privé dans la mesure où les termes employés n'étaient accessibles qu'à des personnes agréées par le titulaire du compte et fort peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes. Dans ce cadre, les propos de (la salariée) relevaient d'une conversation de nature privée et ne sauraient pour cette raison constituer un motif de licenciement". 
En conséquence, les juges considèrent que l'employeur n'a pas été en mesure d'apporter la preuve des faits reprochés à la salariée. Faute de preuve, le licenciement a été considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. L'employeur a été condamné à verser 12.000 euros d'indemnités diverses à l'ancienne salariée.

Source: CA Paris, 3 décembre 2015, n° S13/01716

La bonne résolution de 2016

Deux ans déjà après le dernier billet publié sur ce blog commencé voici presque 12 années. Ce n'est pas que le numérique ne me passionne plus. Bien au contraire, il m'a absorbé. Un coup d'oeil matinal à mon fil Twitter démontre que je n'arrête pas de partager des contenus.

Depuis 2 ans, de nombreuses choses sont intervenues. La France s'est dotée de nouvelles lois renforçant l'arsenal mis à la disposition des autorités pour lutter contre le terrorisme et la criminalité. L'économie collaborative - et plus généralement les activités économiques générées par de simples particuliers - explose. Leur statut est régulièrement discuté dans les médias. A partir de quand et surtout de combien devient-on un professionnel ? Finalement, rien de neuf depuis 10 ans.

De même, et de manière régulière, la question du contrôle des contenus publiés sur Internet revient à l'agenda du Parlement. Sans compter sur l'éternel débat autour de la responsabilité des intermédiaires de l'internet qui, encore aujourd'hui, demeure à l'agenda des autorités de Bruxelles.

Si sur le plan professionnel, je me suis éloigné de la France, j'essaye quand même de garder un attachement à ce qu'il s'y passe. Même si en janvier, on annonce toujours de bonnes résolutions, je vais essayer de voir si je peux partager occasionnellement quelques informations glanées deci delà dans l'actualité judiciaire française.  Espérons que j'arriverai à tenir la longueur.

Et d'ici là, bonne année 2016.