lundi 4 janvier 2016

Sur Facebook, on peut (sous conditions) vouloir "exterminer une directrice chieuse"

Depuis la généralisation de l'usage de Facebook, plusieurs employeurs ont tenté de s'appuyer sur les propos qui y étaient tenus par des salariés pour justifier leur licenciement. A chaque fois, les magistrats font une analyse précise de l'affaire afin de vérifier que les propos qui y sont tenus peuvent être utilisés dans le cadre d'une procédure disciplinaire.

Le premier élément recherché par les juges demeure la publicité des propos. Les propos tenus sur Facebook sont-ils tenus publiquement ou non ? La loi ne fixe pas une limite claire entre une correspondance privée et ce qui relève de la correspondance publique. En l'absence de texte, les juges sont venus construire une jurisprudence assez complète en la matière. Relève de la correspondance privée, un message diffusé par une personne à une autre personne identifiée ou diffusé dans le cadre d'une communauté d'intérêt, autrement dit un groupe de personnes qui ont été choisies.

Et donc la question habituelle est la suivante: les propos tenus sur Facebook sont-ils librement accessibles ? Ou simplement diffusés dans le cadre d'une communauté d'intérêts ? Dans l'affirmative, le message incriminé sera considéré comme une correspondance privée inutilisable par un employeur dans le cadre d'une procédure disciplinaire. 

Une récente décision illustre cette frontière. En l'espèce, une salariée mécontente de son employeur avait rejoint un groupe Facebook au doux nom évocateur de "Extermination des directrices chieuses". Selon son employeur, la salariée y a ensuite proféré des propos injurieux et offensant à son égard. Ces propos seront utilisés dans le cadre d'un licenciement pour faute grave.

Mais les juges viennent mettre un coup d'arrêt à la procédure. Ils rappellent tout d'abord le principe précédemment évoqué:
"Cependant la seule existence de propos injurieux et calomnieux sur le réseau social ne suffit pas, en elle-même, à justifier le licenciement d'un salarié, il incombe à l'employeur de démontrer le caractère public des correspondances litigieuses."
Appliqué au cas d'espèce, il apparaît que
les "propos tenus par (la salariée) sur Facebook sont d'ordre privé dans la mesure où les termes employés n'étaient accessibles qu'à des personnes agréées par le titulaire du compte et fort peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes. Dans ce cadre, les propos de (la salariée) relevaient d'une conversation de nature privée et ne sauraient pour cette raison constituer un motif de licenciement". 
En conséquence, les juges considèrent que l'employeur n'a pas été en mesure d'apporter la preuve des faits reprochés à la salariée. Faute de preuve, le licenciement a été considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. L'employeur a été condamné à verser 12.000 euros d'indemnités diverses à l'ancienne salariée.

Source: CA Paris, 3 décembre 2015, n° S13/01716

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