dimanche 19 novembre 2006

Comment rendre compatible DEEE et droit de rétractation ?

On se souvient que l'on avait très rapidement fait référence à la question de la compatibilité du régime des DEEE au droit de rétractation. Après une discussion avec un fidèle lecteur, la problématique est réelle. En effet, il se pourrait que le strict respect du régime fixé en matière de DEEE par le cyber-marchand ait pour conséquence de priver de tout effet le droit de rétractation offert à l'acheteur à distance.

Une situation pourrait être envisagée. Un consommateur achète un produit électroménager électronique ou électrique auprès d'un cyber-marchand. Celui-ci lui propose de procéder à la reprise de son ancien matériel dès la réception du produit. Quelle chance pour le consommateur qui se demandait comment se débarrasser de son produit !

Dès la réception, il remet donc son (vieux) produit, reçoit le neuf en échange et ensuite ouvre le carton et finalement procède au test de l'ancien. Seulement, l'ancien ne le "botte" pas. Il le déçoit même. Sa solution ? Exercer son droit de rétractation en retournant à ses frais l'objet testé. Seulement, une difficulté se fait jour : le consommateur va-t-il retourner son nouveau produit vu que l'ancien n'est plus entre ses mains ? Il y a peu de chances.

Ainsi, la reprise (principalement au moment de la livraison) par le cyber-marchand sur le fondement des DEEE de l'ancien produit peut causer au consommateur une conséquence non négligeable en le privant, de facto, de la volonté d'exercer son droit de rétractation. Vivement les premières applications !

mercredi 15 novembre 2006

Projet de loi Breton : le renouveau des soldes et des fins de séries

Le projet de loi en faveur des consommateurs souhaite procéder à la modification du régime prévu au sein du Code de commerce en matière de soldes afin de tenir compte de l'impact du commerce électronique et du fait qu'il devient illusoire de fixer des dates de début de soldes à des cyber-marchands en fonction de la localisation de leur siège social.

Selon le texte, les soldes ne pourront être réalisées qu'au cours de deux périodes par année civile, d'une durée maximale de six semaines. Les soldes d'hiver débuteraient le deuxième mercredi du mois de janvier à huit heures du matin. Les soldes d'été débuteraient le dernier mercredi du mois de juin à huit heures du matin.

Des dérogations à ces dates pourraient être retenues dans certains départements pour tenir compte d'une forte saisonnalité des ventes ou d'opérations commerciales menées dans des régions frontalières. Les modalités seront fixées par décret.

Parallèlement, le projet de loi encadre également fortement le régime des "fins de série". Seraient ainsi considérées comme fins de séries, les ventes accompagnées ou précédées de publicité exclusivement à l'intérieur du point de vente et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré des marchandises, dont le stock ne peut pas être reconstitué car ces produits ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques.

Ainsi, les fins de séries se définissent à partir de plusieurs critères :
- un critère économique : une réduction de prix ;
- un critère matériel : écoulement accéléré des marchandises dont le stock ne peut plus être reconstitué ;
- un critère de publicité : l'information doit avoir lieu exclusivement à l'intérieur du magasin.

Ainsi, il ne sera plus possible d'avertir le consommateur de l'existence de fins de série en apposant une affiche sur la devanture du magasin ou, pour le commerce électronique, sous formes de bannières publicitaires ou de lettres d'information. En effet, ces pratiques ne permettraient pas de respecter le critère de l'information exclusive à l'intérieur du magasin.

A noter qu'à défaut, le vendeur s'exposera à des sanctions pénales. Cette nouvelle mesure risque donc de limiter la créativité des services marketing et l'utilisation du concept de fin de séries.

Projet de loi Breton : Introduction

Le 8 novembre 2006, été présenté en Conseil des ministres le projet de loi "Breton" en faveur des consommateurs. Destiné à transposer la directive sur les pratiques commerciales déloyales, à instaurer en France un mécanisme d'actions de groupe, ce texte prévoit de nombreuses autres dispositions.

L'idée est qu'au cours des jours qui suivent, je procèderai à une petite analyse des diverses dispositions de ce texte qui va changer, sans doute, plusieurs pratiques de cyber-marchands.

Au demeurant, le devenir de ce texte est encore incertain. Il est prévu d'être examiné - et sans doute adopté - avant la fin de la session parlementaire par l'Assemblée nationale (courant février). Aucune date n'est prévue pour son éventuel examen par le Sénat.

Ainsi, un point d'interrogation existe : le texte survivra-t-il au changement de Gouvernement ?

mardi 14 novembre 2006

Responsabilité de plein droit : nouvelle jurisprudence en faveur du FAI

On se souvient de quelques débats autour de l'application de l'article 15 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique aux fournisseurs d'accès à l'internet notamment suite à la décision de la Cour d'appel de Paris rendue au début du mois de novembre 2005.

Voici qu'une nouvelle décision intervient. En l'espèce, la juridiction de proximité de Courbevoie avait à jugé d'un recours en responsabilité contractuelle déposé par un internaute qui avait eu une interruption de son accès à l'internet pendant une quinzaine de jours. L'internaute avait décidé de saisir la justice à l'encontre de son FAI et de France Telecom.

La solution apportée est intéressante. Dans le cadre du débat, l'opérateur historique admettait qu'un dysfonctionnement de ses services est à l'origine de la perte d'accès et offrait, à titre de dommages intérêts, le paiement d'une somme de 215,16 € correspondant à divers frais évalués par le demandeur qu'il aurait exposés à cette occasion.

Face à cette reconnaissance, le juge de proximité n'avait à statuer que sur la responsabilité du fournisseur d'accès à l'internet. Appliquant les dispositions de l'article 15 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique - en matière de responsabilité de plein droit, il relève que "la reconnaissance de la responsabilité de l'opérateur historique propriétaire du réseau dans la survenance des désordres permet [au fournisseur d'accès] de rapporter la preuve de l'existence d'une cause étrangère, constitutive de la force majeure".

Ainsi, un FAI peut invoquer pour s'exonérer de sa responsabilité de plein droit des fautes commises par l'opérateur historique, dès lors que celui-ci - comme le précise le présent jugement, est "propriétaire du réseau et des lignes téléphoniques louées aux opérateurs alternatifs".

Petite précision qui a son importance : il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une décision de juridiction de proximité qu'il convient donc de prendre avec toutes les précautions juridiquement nécessaires.

[Source et décision : Gazette du Net]

mercredi 1 novembre 2006

Dans la série des taxes "éco" : le textile !

Petit point sur les taxes de nature écologique. Pour ceux qui n'ont pas encore vu l'échéance, c'est le 15 novembre prochain que le régime juridique des déchets électroménagers électroniques et électriques entre en vigueur.

Parallèlement à ce premier mécanisme de récupération, deux autres se préparent. Le premier concerne les piles (et devra être opérationnel, selon une directive du 6 septembre 2006 d'ici le 26 septembre 2008 laissant un peu de temps pour la mise en oeuvre).

Le second mécanisme a lui été déposé devant le Parlement. Souvenez-vous l'année dernière, dans le cadre du débat sur le collectif budgétaire, il avait été proposé plusieurs amendements destinés à insérer dans la loi une "taxe emmaus" destinée à financer les réseaux de collecte des vêtements usagés et ainsi assurer à ces associations solidaires une rémunération complémentaire. Après plusieurs débats, il avait été décidé qu'il était urgent d'attendre et une réflexion était lancée.

Un an après, une proposition de loi a été déposée le 3 octobre 2006 devant le bureau du Président de l'Assemblée nationale relative à la pérennisation de la filière de récupération des textiles usagés.

Selon ce texte :

« Art. L. 541-10-3. – À compter du 1er janvier 2007, toutes les personnes physiques ou morales qui mettent sur le marché national à titre professionnel des produits textiles d’habillement, des chaussures ou du linge de maison neufs destinés aux ménages sont tenues de contribuer ou de pourvoir au recyclage et au traitement des déchets issus de ces produits.

« Les personnes visées à l’alinéa précédent accomplissent cette obligation :

« – soit en contribuant financièrement à un organisme agréé par arrêté des ministres chargés de l’écologie et de l’industrie qui passe convention avec les opérateurs de tri et les collectivités territoriales ou leurs groupements en charge de l’élimination des déchets et leur verse un soutien financier pour les opérations qu’ils assurent, de recyclage et de traitement des déchets visés au premier alinéa ;

« – soit en mettant en place, dans le respect d’un cahier des charges, un système individuel de recyclage et de traitement des déchets visés au premier alinéa approuvé par arrêtés des ministres chargés de l’écologie et de l’industrie.

« Les modalités d’application du présent article, notamment le mode de calcul de la contribution, les conditions dans lesquelles sont favorisées l’insertion des personnes rencontrant des difficultés au regard de l’emploi ainsi que les sanctions en cas de non respect de l’obligation visée au premier alinéa, sont fixées par décret en Conseil d’État ».


Ainsi, toute personne qui met sur le marché national (est-ce au sens communautaire ?) des produits textiles seront tenus de s'acquitter d'une éco-taxe textile ou de mettre en oeuvre un système de recyclage. Cela visera naturellement les cyber-marchands professionnels !

A noter que compte tenu du consensus politique existant autour de ce texte, il devrait - sauf surprise - être inséré par voie d'amendement parlementaire dans un des textes du collectif budgétaire (sans doute le projet de loi de finances rectificative pour 2006) et adopté avant la fin de l'année.

Le monopole des jeux en ligne justifié au plan communautaire ?

Le sujet de la légalité du monopole français en matière de jeux d'argent en ligne n'arrête pas de faire l'objet d'analyses diverses et variées. Pour ajouter une pièce à l'édifice, voici que la Cour de justice des Communautés européennes vient de donner une interprétation - intéressante - des limites acceptables aux principes de la libre prestation de service et de la liberté d'établissement.

Dans un arrêt du 26 octobre 2006, la CJCE rappelle "en ce qui concerne plus particulièrement les services de la société de l’information, que l’article 49 CE concerne les services qu’un prestataire établi dans un État membre offre par l’Internet – et donc sans se déplacer – à des destinataires établis dans un autre État membre, de sorte que toute restriction à ces activités constitue une restriction à la libre prestation des services". En conséquence, le monopole français établi au profit de la Française des Jeux et du PMU constitue une restriction à ce principe.

Or, une réglementation nationale qui entrave une des libertés prévues par le droit communautaire "n’est pas nécessairement contraire au droit communautaire si elle peut être justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 30 CE ou par l’une des exigences impératives consacrées par la jurisprudence de la Cour".

A l'occasion de l'examen de la loi grecque sur les jeux vidéos, la CJCE a donc rappelé les raisons d'intérêt général qui peuvent limiter des entraves ou des limites à l'exercice des libertés communautaires.

Ainsi, la CJCE rappelle que "les considérations d’ordre moral, religieux ou culturel, qui entourent les loteries comme les autres jeux d’argent dans tous les États membres, peuvent permettre aux législations nationales de limiter, voire d’interdire, la pratique des jeux d’argent et éviter ainsi qu’ils ne soient une source de profit individuel".

La CJCE a également relevé que, "compte tenu de l’importance des sommes qu’elles permettent de collecter et des gains qu’elles peuvent offrir aux joueurs, surtout lorsqu’elles sont organisées à grande échelle, les loteries comportent des risques élevés de délit et de fraude. Elles constituent, en outre, une incitation à la dépense qui peut avoir des conséquences individuelles et sociales dommageables (arrêts Schindler, point 60, ainsi que Läärä e.a., point 13)".

En conséquence, à la lecture de ces éléments, la CJCE rappelle que par principe les entraves en matière de libre prestation de service ou de liberté d'établissement ne sont pas systématiquement contraires au droit communautaire et qu'une analyse in concreto doit être réalisée.

[Source : Gazette du Net - CJCE, 26 octobre 2006, Aff. C-65/05]