mardi 1 août 2006

L'affaire Festina en bout de course

Le 24 juillet 2006, le Conseil de la concurrence a rendu sa décision concernant l'Affaire opposant le site internet Bijourama à Festina à propos de la revente sur internet de montres de cette marque.

Dans une décision du 3 février 2006, le Conseil de la concurrence avait invité toute personne intéressée à faire part de ses commentaires à propos du contrat-cadre de distribution sélective. Suite à cette décision, le Conseil de la concurrence a reçu les observations de la DGCCRF, de Bijourama, de la Fédération de l'horlogerie, de l'Association pour le commerce et les services en ligne (ACSEL) et de la société Google France.

Dans sa décision, le Conseil de la concurrence examine plusieurs éléments. Tout d'abord, et à titre préliminaire, un "incident" a dû être analysé pour vérifier si celui-ci modifiait profondément l'affaire. En effet, Festina organisa au cours du mois de mai 2006, une vente privée de montres Festina Lotus. Bijourama soulignait ainsi "l'absence de crédibilité des arguments mis en avant pour justifier des vendeurs 'exclusivement internet' du réseau de distribution de Festina France".

Le Conseil considère que "compte tenu de leur objet et de leurs modalités, ces ventes apparaissent suffisamment distinctes des types de ventes effectués tant par des opérateurs comme Bijourama que par les membres du réseau de distribution sélective de Festina France, pour ne pas affecter de manière substantielle le cadre de l’analyse des engagements proposés par Festina France et donc pour ne pas nécessiter une réorientation de la procédure".

Sur le fond, le Conseil a tout d'abord analysé la possibilité de réserver la vente par l'internet aux membres d'un réseau de distribution sélective disposant d'un magasin. Il indique ainsi que "Si aucun texte ne prévoit explicitement la possibilité pour l’organisateur d’un réseau de réserver la vente sur Internet aux membres de son réseau, une telle solution apparaît compatible dans un certain nombre de cas avec les règles de concurrence applicables aux restrictions verticales".

Concernant la soumission à autorisation de la publicité et de la réalisation de tout lien hypertexte, le Conseil de la concurrence a apporté les éléments suivants :

Le fait de soumettre, sur le fondement de l’article 5 du projet de contrat de distribution de base et de l’article 8 du projet de contrat de distribution applicable à la vente par Internet, la publicité non tarifaire des détaillants à autorisation préalable n’apparaît pas contraire aux règles de concurrence, dès lors que ce contrôle repose sur le souci légitime de protéger la renommée de la marque et du réseau de distribution. Le Conseil a déjà admis une règle similaire, dans l’affaire dite de la porcelaine de Limoges (décision 99-D-78 du 15 décembre 1999), « dès lors qu’elle visait la protection de la marque et qu’il n’était pas démontré que sous couvert de la protection, elle aurait eu pour but de permettre aux fournisseurs d’empêcher les campagnes publicitaires portant sur les prix ». Dans cette décision, le Conseil s'est référé à la décision de la Commission européenne 92/428/CEE, du 24 juillet 1992, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE au système de distribution sélective des parfums Givenchy (JOCE L 236, p. 11).

(...)

Dès lors qu’est admis un contrôle de l’usage publicitaire de la marque sous réserve que ce contrôle soit effectué dans le souci de protéger la renommée de la marque et du réseau de distribution, doit être admis dans la même mesure un contrôle de l’établissement de liens publicitaires sur Internet vers ou depuis des sites marchands ou non marchands.

Cependant, ce contrôle ne saurait concerner le simple référencement par des moteurs de recherche dits "naturels", opéré de manière automatique par des robots qui sillonnent et analysent en permanence les contenus disponibles sur Internet sans qu'aucune démarche particulière soit entreprise par les auteurs de ces contenus. Ces référencements et les liens qui en découlent ne feront en effet que renvoyer vers les sites des distributeurs agréés de Festina France dont cette dernière aura déjà pu vérifier le contenu.

Dès lors, exercer un tel contrôle sur les référencements « naturels » excèderait ce qui est nécessaire pour assurer la protection de la marque et du réseau et porterait atteinte de manière excessive à la liberté commerciale du détaillant en freinant de manière injustifiée ses possibilités de ventes passives.


Au final, le Conseil de la concurrence ne répond pas à la demande de la société Bijourama qui souhaitait que des marchands 100% internet puissent être agréés par Festina (qui exige l'existence d'une boutique physique). Le Conseil précise en effet que "rendue par une autorité de concurrence qui remplit une mission ayant pour finalité la défense de l’ordre public économique, la décision d’accepter des engagements n’intervient pas pour satisfaire la demande d’une partie mais pour mettre fin à une situation objectivement préjudiciable à la concurrence".

[Merci à Cédric Manara]

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