jeudi 31 août 2006

Les infos rapides du moment

Quelques informations rapides pour tenter de faire dans le complet :

- Un internaute a été condamné à 6 mois de prison avec sursis par le Tribunal de grande instance de Tulle le 6 juin 2006. Il avait fait des achats sur l'internet en utilisant un numéro de carte bancaire volé au préjudice d'une douzaine de marchands. Le préjudice total s'élevait à plus de 3000 euros.

- le Tribunal de commerce de Lille a, le 1er juin 2006, apporté quelques éléments intéressants dans un litige opposant une agence matrimoniale à Meetic et à Google en matière de liens sponsorisés. Le tribunal considère que l'utilisation du terme "agence matrimoniale" n'est pas encadrée par la loi contrairement à l'activité de "courtage matrimonial". Meetic n'est pas condamné ainsi que Google. Les juges affirment à cette occasion que Google est un hébergeur et "n'est pas tenu d'exercer un contrôle spécifique sur les liens adwords, contrôle que la loi LCEN du 21 juin 2004 n'exige pas, et qui s'avérerait d'ailleurs matériellement impossible".

- A propos de Google, plusieurs commentaires peuvent être lus concernant le jugement du TGI de Paris que l'on évoquait hier. Il y a le billet de Frédéric Glaize (Petit musée des marques), celui de Cédric Manara (Nom de Domaine !) et enfin de Me Lemorhedec (Sous réserves !)

Monster alerte ses clients d'un cas de spoofing

Les utilisateurs de Monster.com ont reçu voici quelques jours le message suivant les alertant d'un cas de spoofing dont est victime le sites d'offres d'emplois :

Cher(e) candidat(e),
Nous vous informons que Monster est actuellement victime de "spoofing " de la part des sociétés Euro-Stone et ExpatFinancial.
Le "spoofing" consiste à usurper le nom de domaine d'une société dans un e-mail, afin de faire croire à son destinataire que le mail provient de cette société. Ces expéditeurs utilisent le nom de Monster afin d'apporter de la crédibilité à leurs offres frauduleuses .
Dans ce cas précis, les expéditeurs disent avoir repéré votre CV sur Monster et vous proposent une offre de poste frauduleuse dans le seul but de récupérer vos informations personnelles et de faire transiter de l'argent illégalement.
Ces emails ne sont en aucun cas cautionnés par Monster , ni envoyés par Monster. Nous vous conseillons de ne porter aucun intérêt à ce type de mail. Si vous vous êtes engagé dans une correspondance avec les expéditeurs de ces emails et avez commencé une transaction financière, nous vous recommandons de l'interrompre au plus vite.
Soyez très vigilant et n'hésitez pas à nous prévenir si vous recevez ce type de mail en transférant le message que vous avez reçu à l'adresse suivante : info@monster.fr
Monster met tout en oeuvre pour retrouver et poursuivre les auteurs de ces fraudes.
L'équipe Monster France.

mercredi 30 août 2006

Machine à laver, droit des marques et Google

Le 12 juillet 2006, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné à la demande du GIFAM et de plusieurs fabricants d'électroménager, le moteur de recherche Google suite à l'achat par divers annonceurs de mots clés constitutifs des marques dont lesdits fabricants sont titulaires. Dans cette décision, les juges vont assez loin car il semble que ceux-ci demandent à Google d'opérer un contrôle a priori de l'ensemble des annonces qu'ils publient. Une précision devrait néanmoins être prochainement apportée par la justice sur ce point.

Pour ma part, je m'arrêterais sur deux éléments. Tout d'abord, les juges considèrent que la notion de "liens commerciaux" est constitutif d'une publicité de nature à induire en erreur le consommateur. En effet, les juges estiment que "l’intitulé "liens commerciaux" est en lui-même trompeur car il porte l’internaute à croire qu’il existe un lien de nature commerciale entre les sites résultant de la recherche sur le moteur de recherche "naturel" de Google et les sites regroupés sous cette bannière".

En l'espèce, les fabricants mettent en avant que les sites internet utilisant une marque comme mot clé ne vendent pas systématiquement le produit de ladite marque. Ainsi, les juges relèvent l'exemple d'Electrolux : "résultats sur le moteur de recherche "electrolux.com", site de la société Electrolux ; société "maismoinscher.com" affichée en lien commercial : pas de produit Electrolux proposé sur ce site".

Ainsi, pour le tribunal :

la société Google en ayant choisi le terme "liens commerciaux" pour regrouper les annonces publicitaires paraissant sur l’écran de résultats des recherches sur son moteur et en regroupant sous ce terme des annonceurs dont certains n’ont pas l’autorisation d’utiliser le signe, objet de droit privatif constituant le mot clé permettant un tel affichage a commis des actes de publicité mensongère au sens des textes précités au préjudice de chacune des sociétés demanderesses et de l’ensemble de la profession des industriels d’électroménager.


Plus généralement, cette affaire fait naître une vraie question. En interdisant à Google de vendre comme mot clé, le nom de telle ou telle marque d'électroménager, cette décision a un impact plutôt fort sur le référencement des cyber-marchands du secteur. Elle interdit en effet, de facto, à tout annonceur de pouvoir dire - par l'intermédiaire de liens commerciaux ou sponsorisés - qu'ils vendent des produits Electrolux ou autre.

Pour le vendeur, cela peut être constitutif d'un manque de visibilité. Pour le fabricant l'effet peut être tout aussi radical : les internautes recherchant un cyber-marchand vendant une des marques à l’origine de la décision le trouvera plus difficilement. Ces consommateurs auront alors peut-être tendance à se retourner auprès d’autres marques (encore présentes dans les liens sponsorisés) afin potentiellement de trouver un cyber-marchand chez qui acheter leur machine à laver.

Il ne fait pas de doute que les fabricants incriminés ré-ouvriront le robinet des liens sponsorisés mais ceux-ci pourront être tentés d’obtenir au préalable des gages de la part des vendeurs (engagement à toujours proposer des produits de la marque pour pouvoir utiliser ladite marque comme mot clé dans un lien sponsorisé). Là où finalement, ce contrôle a priori de l'usage de la marque était le fait des seuls secteurs relevant de la distribution sélective, il est à la portée de tous (et ceci est d'autant plus facilité par le point central que constitue Google sur qui les marques peuvent s'appuyer pour assurer l'efficacité de leur contrôle).

Les fraudes aux petites annonces évoluent vers le bracage

Selon le Daily Mirror, un internaute britannique vient d'avoir une mauvaise surprise suite à une transaction réalisée sur l'internet. En l'espèce, suite à la consultation du site eBay UK, il avait décidé de contracter avec le vendeur d'une Mercedes Benz. Rendez-vous était pris, l'acheteur précisant qu'il était rasurré par la note dudit vendeur (92,3% de satisfaction).

Lors des discussions, le vendeur indiqua à l'acheteur que s'il acceptait de payer en liquide la voiture, il ne la proposerait à personne d'autre et l'accord pourrait avoir lieu rapidement. L'acheteur proposa donc un montant de 5.500£ qui était accepté.

Le même jour, il se rend (en famille) sur le lieu de rendez-vous et se retrouve nez à nez avec un groupe armé qui exige les 5.500£ ainsi que les téléphones et les cartes de crédit. La Police mène l'enquête.

Finalement, si un conseil peut être donné, c'est sans doute de ne pas forcément accepter de payer le vendeur en liquide mais finalement de lui proposer un virement et/ou un chèque de banque.

mercredi 23 août 2006

Un internaute condamné pour l'usage frauduleux de la carte bancaire de son employeur

Le Tribunal de grande instance de Strasbourg a rendu au début du mois de juin 2006 un jugement correctionnel à l'encontre d'un internaute. Celui-ci était poursuivi suite à une plainte déposée par son ancien employeur. Ce dernier l'accusait d'avoir utilisé la carte bancaire de l'entreprise pour réaliser des achats sur l'internet, achats pour lesquels l'employeur avait ensuite fait opposition.

Au final, deux cyber-marchands avaient été victimes de cette pratique, pour un montant de plus de 700 euros. L'internaute a été condamné, au regard de ses ressources, à 100 jours amende de 5 euros sur le fondement de l'escroquerie (soit au total, 500 euros d'amende). Les cyber-marchands avaient obtenu préalablement à l'audience le remboursement des transactions frauduleuses.

lundi 21 août 2006

Existe-t-il un droit de rétractation pour les Nike Id ?

Voici plusieurs semaines qu'aucune interrogation sur l'existence du droit de rétractation ne s'était posée sur ce blog. Cela est dorénavant réparé ! Le sujet d'analyse du jour est le service Nike Id qui permet de personnaliser ses chaussures. Une fois des couleurs sélectionnées pour les divers éléments de la chaussure (couleur du logo Nike, du coussin, de la doublure, des lacets, de la languette, etc.), le consommateur peut commander sa paire de chaussures et la recevoir à son domicile. Une fois le paquet ouvert, voici que ce dernier est déçu du résultat. Finalement, l'intérieur rose ne va pas forcément si bien que ça avec les lacets roses et avec l'extérieur vert.

Le consommateur peut-il donc retourner son produit. Si l'on s'en tient aux conditions générales de vente du site Nike Id, l'acheteur dispose d'un droit de rétractation pendant une durée de 30 jours à compter de la date de livraison pour retourner le produit commandé.

Au delà de cette faculté contractuelle, le droit positif permettrait-il à un consommateur de retourner un tel bien personnalisé ? En application de l'article L. 121-20-2 du Code de la consommation :

Le droit de rétractation ne peut être exercé, sauf si les parties en sont convenues autrement, pour les contrats :
(...)
3º De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ;


La lecture de ce texte pourrait laisser penser qu'il ne peut exister de droit de rétractation en la matière. En effet, ce service permettrait de confectionner des biens "selon les spécifications du consommateur". Seulement, est-ce cette interprétation qu'il faut retenir ?

En effet, en l'espèce, le bien est confectionné en fonction des choix du consommateur. Seulement, ceux-ci sont opérés sur la base des propositions de couleur faites par le vendeur lui-même. Ainsi, certaines couleurs ne sont pas proposées pour certains éléments de la chaussure. La personnalité n'est donc pas le seul fait du consommateur.

Ainsi, on pourrait estimer qu'il ne s'agit pas ici d'une personnalisation "totale" du produit. En conséquence, un juge pourrait considérer que le produit n'a pas été confectionné sur les seules spécifications du consommateur en raison de l'intervention forte du vendeur dans ladite personnalisation. Le vendeur à distance serait donc tenu d'offrir un droit de rétractation en la matière.

vendredi 18 août 2006

Histoires de soldes dans le monde électronique

Deux courriers électroniques publicitaires reçus le 9 août dernier a permis de replonger dans le régime des soldes. Pour mémoire, le texte qui fixe le régime applicable est l'article L. 310-3 du Code du commerce. Il prévoit que :

I. - Sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock.
Ces ventes ne peuvent être réalisées qu'au cours de deux périodes par année civile d'une durée maximale de six semaines dont les dates sont fixées dans chaque département par l'autorité administrative compétente selon des modalités fixées par le décret prévu à l'article L. 310-7 et ne peuvent porter que sur des marchandises proposées à la vente et payées depuis au moins un mois à la date de début de la période de soldes considérée.
II. - Dans toute publicité, enseigne, dénomination sociale ou nom commercial, l'emploi du mot : solde(s) ou de ses dérivés est interdit pour désigner toute activité, dénomination sociale ou nom commercial, enseigne ou qualité qui ne se rapporte pas à une opération de soldes telle que définie au I ci-dessus.


Cette année, la période des soldes d'été variait, selon les départements, entre le 25/06 (avec une fin au 05/08) et le 15/08 (avec un début le 05/07).

Donc, le 9 août, je reçois un premier courrier électronique (au demeurant non sollicité .. mais bon) d'une entreprise française m'annonçant qu'il me reste encore 10 jours pour profiter des soldes (soit donc jusqu'au 19/08).

Deux interrogations : le 9 août, la société peut-elle faire encore de la publicité pour les soldes ? La réponse est positive, la société ayant son siège social dans le département du Gard (30) dont la fin de la période de solde est le 15/08.

Peut-elle m'indiquer que les soldes durent encore pendant 10 jours : sur ce point, la société est en infraction aux dispositions applicables.

Toujours le 9 août, je reçois un message électronique d'une société ayant son siège social à Paris et titrant "Soldes : l'intégrale Bach en précommande". Ici, deux problèmes. Tout d'abord la société utilise le terme "soldes" en dehors de la période légale pour le département de Paris. En effet, sur internet, la période applicable est calquée sur le lieu du siège social de l'entreprise.

Ensuite, elle utilise ce terme pour faire la promotion de produits en "précommande". Or, les soldes s'entendent comme "l'écoulement accéléré de marchandises en stock". Des soldes ne peuvent donc pas porter sur des marchandises en précommande.

A noter que l'usage du terme "soldes" n'a eu lieu que dans l'objet du message, le corps de celui-ci ayant recours à la notion "d'évènement".

Nouvelles condamnations dans le contentieux des faux chèques

On avait déjà évoqué la condamnation de deux banques françaises suite à l'arnaque aux "faux chèques" dont avaient été victimes des internautes français.

Souvenez-vous :

- le Tribunal d'instance d'Orthez avait condamné le 14 février 2006 la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées estimant que la banque avait "manqué à ses obligations contractuelles d'information et de vigilance" en n'informant pas l'internaute des risques qui existaient en la matière ;

- le Tribunal d'instance de Paris a condamné, le 22 juin 2006, la Caisse d'épargne d'Ile-de-France au motif qu'il "résulte d'une jurisprudence constante que le banquier est tenu envers ses clients d'une obligation de vigilance et que sa responsabilité contractuelle peut être engagée s'il ne s'oppose pas à la réalisation d'opérations dont l'anomalie est apparente"

Les deux nouvelles décisions sont les suivantes :

- Le 24 mai 2006, le Tribunal d'instance de Rouen a jugé que le "Crédit Lyonnais ne conteste pas que l'un de ses proposés a assuré à [l'internaute] que le chèque de 24.000 € reçu en règlement de la vente du véhicule et de la commission avait bien été payé. En outre, le Crédit Lyonnais ne méconnaît pas qu'il était averti de faits d'escroquerie selon le mode opératoire utilisé dans le cas d'espèce et qu'il avait rappelé à ses salariés les règles de prudence dans les opérations internationales". Le tribunal reconnaît la négligence de la banque et la condamne à payer la somme de 5700 € (somme versée par l'internaute à l'escroc anglais) augmentée des frais de rejet de chèque.

- Le 30 juin 2006, la Juridiction de proximité de Le Blanc relève que "si la banque n'a pas à s'immiscer dans la gestion des comptes de ses clients, il est néanmoins probable que la Banque populaire n'aurait pas manqué d'émettre des réserves quant à l'opération projetée par [l'internaute] si elle avait connu les circonstances de l'opération projetée par ce dernier". Or, en l'espèce, la preuve n'est pas rapportée. En outre, il ne peut être reproché "à la Banque populaire d'avoir accepté de créditer le compte de [l'internaute], sous réserve d'encaissement, d'un chèque qu'un examen sommaire, auquel seul la banque était tenue, ne permettait pas d'établir qu'il s'agissait d'un faux". Seulement, les juges condamnent quand même la banque. En effet, ils relèvent que "s'il est vrai que l'inscription, sur le compte d'un client, d'un chèque, qui se révèlera sans provision, ne saurait engager la responsabilité de la banque, à l'égard du remettant qui prétendrait en avoir déduit le paiement, il ne peut en être ainsi lorsque ledit banquier, à l'issue du délai normal d'encaissement, accepte de verser en liquide tout ou partie de la valeur dudit chèque". L'internaute ayant débité 3000 € en liquide pour le verser à l'escroc après le délai d'encaissement, la banque est condamnée à le rembourser.

jeudi 17 août 2006

Première mise en oeuvre des pouvoirs de sanction de la CNIL ?

Depuis la loi du 6 août 2004, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est dotée de pouvoirs de sanctions administratives.

En application de l'article 45 et 47 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, la CNIL peut, après une mise en demeure restée infructueuse, prononcer à l'encontre de toute personne physique ou morale de droit privée une sanction pécuniaire. Celle-ci ne peut excéder 150.000 euros lors du premier manquement.

En outre, l'article 46 de la loi prévoit que "en cas de mauvaise foi du responsable du traitement", la CNIL peut ordonner l'insertion des sanctions qu'elle prononce dans des publications, journaux et supports qu'elle désigne.

Or, selon Les Echos et La Tribune datés d'hier, un tel avis vient d'apparaître dans le Figaro du 15 août 2006. Selon les deux quotidiens financiers, la CNIL aurait condamné le Crédit Lyonnais à une amende de 45.000 euros. Selon cet avis, la banque était accusée d'avoir "entravé l'action de la CNIL" en lui adressant des informations erronées. En outre, la CNIL semble avoir relevé l'inscription de façon abusive de plusieurs des clients de la banque dans le fichier centralisant le nom des personnes dont la carte bancaire a été retirée pour usage abusif.

Le site de la CNIL est pour l'heure silencieux sur cette sanction. Mais si l'information se confirme, il semblerait que ce soit la première fois que la CNIL fait usage de ses pouvoirs de sanction pécunaire (et elle le fait savoir !).

Les limitations de responsabilité des prestataires postaux publiées

La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales a opéré un passage du principe d'irresponsabilité de la Poste à un principe de responsabilité encadrée des prestataires de services postaux. Cette modification était, notamment, une des conséquences de la création d'un régime de "responsabilité de plein droit" à la charge des acteurs du cyber-commerce.

Dorénavant, et en application des articles L. 7 et L. 8 du Code des postes et communications électroniques, la responsabilité des prestataires de services postaux peut être engagée dans les conditions prévues aux articles 1134 et 1382 du Code civil pour les pertes et avaries survenues lors de la prestation. Néanmoins, le texte insère une limitation : "cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine des plafonds d'indemnisation".

Le décret fixant ces plafonds vient d'être publié au Journal officiel du 17 août 2006 (Décret n° 2006-1020 du 11 août 2006 pris pour l'application des articles L. 7 et L. 8 du code des postes et des communications électroniques et relatif au régime de responsabilité applicable aux prestataires de services postaux).

Concernant la perte ou l'avarie des envois postaux autre que les colis

Le texte prévoit plusieurs cas d'indemnisation.

Ainsi, la perte ou l'avarie pour les "envois ordinaires" sont plafonnées à deux fois le tarif d'affranchissement. Ce montant a été critiqué par l'ARCEP, l'autorité le trouvant trop faible compte tenu des difficultés imposées par le droit français en matière de preuve : il reviendra à l'expéditeur ou au destinataire de démontrer l'avarie de la lettre simple (possible) ou la perte de celle-ci.

Ensuite, pour les envois en "suivi", le plafond est fixé à trois fois le tarif d'affranchissement.

Pour les objets recommandés avec accusé de réception (les envois faisant l'objet de formalités attestant leur dépôt et leur distribution), le montant de l'indemnisation est plafonné à 16 euros. Sur ce point, une difficulté va poindre son nez. En effet, le décret du 17 octobre 1991 prévoit un mécanisme d'indemnisation particulier pour les envois en recommandé. Trois niveaux d'indemnisation existent : 8€, 153€ et 458€ correspondant aux taux R1, R2 et R3. Est-ce à dire qu'avec le nouveau décret, les plafonds prévus pour les recommandés R2 et R3 disparaissent ? Cela ne devrait pas être le cas. Pour l'ARCEP, ce décret implique que le service de base du recommandé (8€) devra dorénavant être indemnisé à hauteur de 16€.

Enfin, pour les envois en valeur déclarée, le plafond est celui du montant qui a été déclaré.

Concernant la perte ou l'avarie de colis postaux

En cas de perte ou d'avarie de colis postaux, l'indemnisation ne pourra excéder 23€ par kilogramme de "poids brut de marchandises manquantes ou avariées". Le poids brut s'entend du poids des marchandises augmenté de celui de leur emballage. En pratique, pour l'envoi d'un colis "simple" comportant un caméscope numérique, l'indemnisation ne sera pas bien lourde.

Définition de la perte de l'envoi postal

Le texte définit dorénavant la notion de perte d'un envoi postal. En pratique, l'envoi sera considéré comme perdu s'il n'a pas été distribué à son destinataire dans un délai de 40 jours à compter de la date de son dépôt dans le réseau du prestataire. Jusqu'à aujourd'hui, l'envoi était considéré comme perdu dès lors qu'une période de 21 jours s'ouvraient à compter du signalement de la perte aux services postaux.

A noter que l'ARCEP proposait un délai de 7 jours.

Concernant le retard dans la distribution

Le texte plafonne le montant des indemnisations en cas de retard dans la distribution au montant du tarif d'affranchissement.

A noter que le texte ne définit pas le "retard".

Exceptions aux limitations de responsabilité

Le décret prévoit, enfin, que ces plafonds ne s'appliquent pas si des stipulations plus favorables sont prévues par les conditions générales de vente ou par les contrats conclus entre les prestataires et les expéditeurs.

Au final, cette dernière disposition est sans doute la seule qui permettra à l'expéditeur, victime d'une perte ou d'une avarie, d'espérer obtenir une indemnisation équivalente sinon proche du montant du bien envoyé. Reste que les conditions générales de vente ou les contrats conclus avec les prestataires de services postaux sont rarement négociables et discutables.

Petite détail : il est intéressant de consulter l'annexe à l'avis de l'ARCEP rendu en la matière. On y retrouve la première version du projet de décret largement plus détaillée que celle finalement adoptée.

mercredi 16 août 2006

La collecte des déchets d'équipements électriques et électroniques bientôt en place

DEEE : ces quatre lettres commencent à agiter depuis plusieurs semaines le secteur très large de la distribution et de la vente de produits informatiques, électroménagers, etc. DEEE signifie "Déchets d'équipements électriques et électroniques".

Rien à voir avec la corbeille de votre ordinateur où sont jetés vos anciens fichiers. Il s'agit ici de la transposition de textes communautaires destinés à assurer une collecte et un recyclage de déchets présents au sein de divers équipements courants.

Dorénavant, ces déchets ne pourront plus être jetés dans la nature ou dans les poubelles classiques mais devront faire l'objet d'une collecte spécifique et retraités par un des quatre organismes qui ont été agréés par des arrêtés publiés au Journal officiel le 12 août 2006. Il s'agit de Ecologic, Eco-systèmes, ERC et Recyclum.

Une particularité est néanmoins importante. A l'inverse des autres déchets faisant l'objet d'un retraitement ou d'un traitement spécifique, la chaîne de traitement des DEEE fait intervenir un acteur particulier : les distributeurs (c'est à dire les vendeurs de biens d'équipement).

Ainsi, le décret du 20 juillet 2005 prévoit que "lors de la vente d'un équipement électrique ou électronique ménager, le distributeur reprend gratuitement, ou fait reprendre gratuitement pour son compte, les équipements électriques et électroniques usagés que lui cède le consommateur, dans la limite de la quantité et du type d'équipement vendu". Le distributeur est défini comme toute personne "qui, quelle que soit la technique de distribution utilisée, y compris par communication à distance, fournit à titre commercial des équipements électriques et électroniques à celui qui va les utiliser".

Le décret liste les catégories d'équipements électroniques et électroniques visés. Il s'agit : des gros appareils ménagers, des petits appareils ménagers, des équipements informatiques et de télécommunications, le matériel grand public, le matériel d’éclairage (à l’exception des appareils d’éclairage domestique et des ampoules à filament), les outils électriques et électroniques (à l’exception des gros outils industriels fixes), les jouets, équipements de loisir et de sport, les dispositifs médicaux (à l’exception de tous les produits implantés ou infectés), les instruments de surveillance et de contrôle et distributeurs automatiques.

En pratique, si j'achète un ordinateur auprès d'un cyber-marchand, ce dernier est tenu de reprendre gratuitement (y compris pour les frais d'envoi) mon ancien ordinateur dont je veux me débarrasser.

A cette fin, le distributeur est tenu de m'informer :
- de l'obligation de ne pas se débarrasser des déchets d'équipements électriques et électroniques avec les déchets municipaux non triés : souvent, cette information passe par l'apposition d'un logo représentant une poubelle barrée.
- des systèmes de collecte mis à leur disposition ;
- des effets potentiels sur l'environnement et la santé humaine de la présence de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques.

Les distributeurs devront également informer le consommateur du coût de l'élimination des DEEE lorsqu'une facture est établie.

A défaut, un distributeur s'expose à une amende de la 3ème classe (450 euros) s'il n'assure pas la reprise d'un équipement électrique et électronique usagé ou s'il n'informe pas le consommateur des coûts correspondants à l'élimination des déchets d'équipements électriques et électroniques.

Ce mécanisme qui est dorénavant doté de l'ensemble de ses textes d'application, devrait démarrer à compter du 15 novembre 2006 comme l'a indiqué récemment le ministère à l'Environnement.

lundi 14 août 2006

Les communications électroniques se dotent d'un guide pratique

Le ministère délégué à l'Industrie vient de publier un nouveau guide pratique : le "Guide pratique des communications électroniques" visant les services de téléphonie fixe, mobile et l'accès à l'internet. Ce document de 44 pages est destiné à dispenser un certain nombre de règles pratiques quant au choix, à la gestion et à la résiliation des contrats de téléphonie ou d'accès à l'internet.

Ce guide a été réalisé, dans le cadre du Conseil national de la consommation, par :
- le ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie ;
- les associations de consommateurs ;
- les professionnels du secteur et leurs associations.

Il a bénéficié du concours financier de ces professionnels.

vendredi 11 août 2006

Nouvelle cible des escroqueries : les PME ?

Un récent courrier électronique que l'on m'a communiqué me laisse .. songeur. En effet, une coiffeuse à domicile (ayant un site internet) a eu l'étonnement de recevoir la proposition suivante par courrier électronique :

Je suis Mr Froissart Olivier , j'arrive en France pour 3 mois.
je souhaiterais etablir une convention dans votre établissement avec une dizaine de personnes qui viendront pour un stage.
Nous nous coifferons chaque deux semaines .
Faites moi parvenir vos tarifs pour cette affaire.
Je compte arrivée le 01/ 09/ 2006 et nous repartons le 02/ 12/ 2006


Jusque là, même si la proposition est plutôt inédite, elle n'a rien de réellement inquiétante. Sauf que la suite devient intéressant :

PS : Pendant ce sejour nous aurons besoin de faire quelques achats de PC PORTABLE pour notre personel qui les utilisera comme outil de travail .

Etant donné que nous serions trop occupés à baliser notre documentation complète sur nos rendez-vous et futurs travaux , est ce que, exceptionnelement, nous pouvons vous confiez cette tache s'ils vous plait ?

Ceci dit voici les achats que vous allez nous faire en ce sens :

PC PORTABLE:
TOSHIBA Satellite M70-208 Pentium M740 1,73 GHz 1 Go 100 Go 15,4'' DVD±RW
ou à défaut, l'équivalent qui est ci-déssous
TOSHIBA Satellite M70-204 - Pentium M740 1,73 GHz 1 Go 100 Go 15,4'' DVD±RW
...............................................................................QTE= 10 pcs.

Veuillez ajouter sur le montant total des PC PORTABLE une commission de 300 euros pour la prestation que vous effectuerez.

Egalement,veuillez inclure sur la même facture les frais de port via Chronopost jusqu'à Abidjan-COTE D'IVOIRE.
Nous vous règlons à la commande par Carte Bleue (Visa,Mastercard) pour un devis global .


Là, on détecte rapidement la fraude. Il s'agit d'inciter l'artisan à acquérir les PCs portables, de gonfler la facture de 300 euros et ensuite de lui payer par carte bancaire (sans doute qui sera volée) voire par un chèque en bois.

Sans nul doute, l'artisan confirmant son désir de participer à cette opération recevra quelques jours plus tard un message l'informant que finalement, ils ne peuvent plus venir, mais que l'acheteur lui demande de lui adresser lesdits portables en Afrique (Nigéria) et ainsi de suite.

Comme quoi les fameuses arnaques nigérianes sont toujours aussi présentes (voir à ce sujet l'histoire relatée par un internaute lorrain sur son blog).

Le luxe veut en découdre avec eBay

Le sujet pointait son doigt depuis quelques temps, notamment à la lecture de la presse faisant de plus en plus état des prises de positions de l'Union des Fabricants (UNIFAB). Cet organisme a annoncé que plusieurs plaintes pénales ont été déposées, selon 01net, "suite à la vente, ces derniers mois, de contrefaçons en particulier contre eBay". D'autres actions seraient également en préparation.

L'UNIFAB souhaite en la matière une transposition de la jurisprudence Google (en matière de liens sponsorisés) à ces acteurs de l'internet.

Cette annonce confirme le présentiment exposé ici même au mois d'avril.

BetandWin se voit retirer sa licence en Allemagne

Hier, le Länder allemand de la Saxe a procédé au retrait de la licence d'exploitation pour l'Allemagne à la société de paris sportifs sur l'internet, Betandwin.

Cette décision fait suite à l'arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 28 mars 2006 estimant que le monopole attribué à OddSet, structure publique chargée des paris sportifs, n'était pas contraire à la Loi fondamentale allemande. Au cours du mois de juin, les länders s'étaient accordés en faveur d'une position commune reconnaissant le monopole de l'Etat sur les paris sportifs et en particulier sur l'internet.

Betandwin a décidé de saisir la justice afin de faire annuler cette décision et réclame plus de 500 millions d'euros de dommages et intérêts. D'autres acteurs s'inquiètent de cette décision, et en particulier les clubs de football qui font l'objet de financements de la part de ce site.

Une nouvelle fois, c'est l'éternel débat autour de la conformité au droit communautaire des monopoles d'Etat en matière de jeux divers (casinos, loterie, paris sportifs) qui est de retour. Il ne fait pas de doute que la CJCE sera une nouvelle fois un acteur incontournable dans ce contentieux.

Correctif !

Une erreur s'est glissée dans cette actualité (et je remercie Thibault Verbiest et Evelyn Heffermehl de me l'avoir signalé : la Cour constitutionnelle allemande a décidé que le monopole d’ODDSET est contraire à l’article 12 de la Loi fondamentale qui garanti le libre exercice de la profession, en se fondant pour une large part sur la jurisprudence communautaire (Gambelli) : "Il est dans la mesure des motifs incompatible avec l’article 12, alinéa 1, de la Constitution, que, selon la Loi sur les loteries et paris organisés par l’Etat libre de Bavière (Loi sur les loteries d’Etat) du 29 avril 1999 (Bayerisches Gesetz- und Verordnungsblatt, page 226), les paris sportifs ne puissent être organisés que par l’Etat libre de Bavière et que seuls de tels paris puissent être entremis, sans aligner le monopole avec logique sur l'objectif de la lutte contre les risques d'assuétude".

mardi 8 août 2006

Les backlinks commerciaux face à la LCEN

En parcourant le blog de Daniel Broche de Discounteo, une devinette m'a plongé dans un abîme juridique de réflexion. En effet, il demandait à ses lecteurs de découvrir quel cyber-marchand proposait un lien vers la rubrique Sexualité de Doctissimo sur la page d'accueil de son rayon électroménager.

La réponse est vite arrivée. En effet, la lecture du bas de la page d'accueil de ce rayon fait apparaître une liste importante de mots clés :

Ranking Software | Sexualité | cosmetic surgery | PC portable | Comparer caméscopes | Processus Windows | Ideacard | Prix Informatique | Vos cadeaux avec millemercis.com | Prix matériel.com | Vente de vin | Culture | Location DVD | Comparateur de Prix | Actualité DVD | echange dvd avec Cinetroc | meetic | puériculture | Pixavenue | AffiliateVista | Splitgames | Cinéma | Blog gratuit | Télévision haute définition | GPS et téléphones | Guide photo numérique | actualité informatique | photo numérique | Bricolage | Conception site internet | Culture jeux vidéo | Meilleurs prix du net | Tests jeux vidéo | Achat GPS


Ces mots renvoient vers des partenaires ayant donc acquis ces "backlinks commerciaux" afin, sans doute, d'améliorer leur référencement. Mais il n'en demeure pas moins que juridiquement, cela constitue de la publicité.

Or, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoit à son article 20 que :

Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée.


Dès lors que ces mots clés cliquables constituent des publicités, deux obligations apparaissent :
- indiquer qu'il s'agit de publicité et qu'en conséquence, que ce listing de mots clés constitue un tel espace publicitaire ;
- rendre clairement identifiable la personne pour le compte de laquelle elle est réalisée. Pour mémoire, la Cour d'appel de Versailles avait estimé le 28 juin 2006 qu'un simple lien était insuffisant pour rendre "identifiable" la personne et imposait l'apposition du nom de la personne dans l'espace publicitaire lui-même comme par exemple "Sexualité avec Doctissimo", etc.

Difficile donc de toujours concilier droit et marketing !

vendredi 4 août 2006

Ce que vous n'avez pas lu dans la DADVSI

La loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) a été publiée le 3 août dernier au Journal officiel. De nombreux commentaires, analyses et surtout critiques ont pu être entendus depuis la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2006 et la censure de quelques dispositions centrales.

Je m'arrêterai ce matin uniquement sur quelques dispositions, jamais discutées (publiquement) ni vraiment débattues mais qui sont sinon intéressantes, au mieux originales.

La première disposition est l'article 25 de la loi qui crée un article L. 335-12 au sein du Code de la propriété intellectuelle (article inséré après l'article L.335-10 ayant pour conséquence de repousser l'article L. 335-11 après l'article L. 335-12. Qui a prononcé le mot intelligibilité ?) :

Le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II, lorsqu'elle est requise, en mettant en oeuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès en application du premier alinéa du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.


Cette disposition est intéressante. Elle tend à imposer à tout internaute l'obligation de veiller à la bonne utilisation de son accès à l'internet. Mais, ici ne sont pas visées les seuls échanges de fichiers, mais bien toute reproduction ou représentation d'oeuvres de l'esprit sans autorisation. Cela risque d'impacter très clairement l'usage de l'internet en cas d'application stricte de cette disposition.

Ainsi, (et une fois la question de l'origine licite de l'oeuvre copiée réglée), un internaute devra-t-il vérifier auprès de tout site internet que le contenu qu'il est en train de consulter est bien diffusé de manière respectueuse des ayants droits. Les blogs qui reproduisent des dépêches AFP ou des articles du Monde seront-ils bloqués par les "outils de filtrage" proposés par les fournisseurs d'accès ?

En pratique, cette disposition semble plus destinée à donner une base légale forte aux ayants droits afin d'obtenir des juges et des fournisseurs d'accès à l'internet la suspension de l'abonnement d'un client "téléchargeur" et la diffusion par les fournisseurs d'accès de logiciels de filtrage des réseaux P2P. Mais au final, sa formulation reste très large.

Dans le même ordre d'idée, l'article 28 de la loi DADVSI impose une obligation originale aux fournisseurs d'accès à l'internet. Il est ainsi créé après l'article L. 335-10 du CPI (et avant l'article L. 335-12 ?) un nouvel article L. 336-2 :

Les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne adressent, à leurs frais, aux utilisateurs de cet accès des messages de sensibilisation aux dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de diffusion de ces messages.


La loi impose donc aux fournisseurs d'accès à l'internet d'adresser des courriers électroniques à leurs utilisateurs les sensibilisant aux dangers du téléchargement illicite (Télécharger tue). Ces messages devront sans doute être bien formulés afin de ne pas décourager l'internet de tout téléchargement (notamment auprès des plates-formes payantes). Quoique, tout dépend de la définition que l'on donne de la notion d'illicite : une plate-forme payante qui ne s'acquitte pas des redevances dues à la SACEM, ne permet-elle pas le téléchargement illicite ?

Autre article très intéressant : l'article 52 (le dernier). Il précise qu'un rapport sera présenté au Parlement dans les 18 mois. Mais surtout, cet article indique que :

Ce rapport comporte un chapitre spécifique sur les conditions de mise en place d'une plate-forme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, qui se trouve absent de l'offre commerciale en ligne, de mettre ses oeuvres ou ses interprétations à la disposition du public et d'en obtenir une juste rémunération.


A partir de ce moment là, la question du commerce électronique est de retour. Cet article laisse la sensation que les parlementaires ont demandé la création d'une plate-forme "publique" (c'est à dire réalisée par le secteur public) de téléchargement payant (puisqu'il est indiqué que l'auteur doit en obtenir une juste rémunération). Ainsi, l'Etat devrait se lancer sur le marché concurrentiel de la commercialisation d'oeuvres numériques. Ce point est très intéressant car il se situerait alors à la frontière entre le droit public et le droit du commerce électronique.

Au final, cette loi DADVSI est remplie de dispositions que les juristes - et les non-juristes - découvriront au fur et à mesure. Elle fait planer de nombreuses craintes notamment vis-à-vis des libertés individuelles.

Seulement, et pour certaines dispositions, j'aimerais dire "N'ayez pas peur". Il semble, en effet, qu'un point ait été oublié dans le cadre de cette loi. Un certain nombre de dispositions visent spécifiquement les services de la société de l'information (les deux premiers articles cités en sont un parfait exemple, mais il y a également le fameux amendement "Vivendi" sur les logiciels d'échanges de fichiers). Or, depuis 1998, une directive impose que les normes visant spécifiquement les services de la société de l'information soient notifiées au préalable aux services de la Commission européenne (voir à ce titre B. Tabaka, "La notification des textes encadrant la société de l'information et le casse-tête du droit parlementaire français", Legipresse n° 215, octobre 2004 - disponible sur le site de Legipresse pour 7 € pièce). Quelle sanction à défaut du respect de cette formalité ? L'inopposabilité du texte incriminé aux citoyens !

Donc, finalement ... pour certaines dispositions, on est face à une potentielle inapplicabilité. Ca pourrait donner des arguments supplémentaires pour tous se retrouver devant le Parlement pour un nouveau round.

Gratuité du temps d'attente : le temps d'attendre ?

Lors de la fameuse table-ronde entre les opérateurs et les représentants de consommateurs le 27 septembre 2005, le ministre de l'Industrie avait poussé pour avoir la mise en oeuvre de la gratuité du temps d'attente pour les appels vers les centres d'assistance technique d'ici la fin de l'année 2006. Il se murmure même (voire se lit dans des documents publiés sur le site des Echos) que cette mesure qui concerne exclusivement les opérateurs de communications électroniques (Telecom, Internet) pourrait être imposée par la loi.

A l'occasion de cette table-ronde, le ministère avait mandaté le Conseil général des technologies de l'information (CGTI) afin qu'il mène une étude sur les modalités de mise en oeuvre de cette gratuité (déjà opérationnelle pour certains opérateurs).

Les conclusions du rapport sont les suivantes. Il lève tout d'abord le voile sur le champ d'application de la mesure : gratuité de tous les numéros surtaxés ou seulement des services après-vente ?

Seule cette dernière catégorie devrait être visée par une obligation de gratuité des temps d’attente dans la mesure où ces types de service sont, d’une part, ceux pour lesquels des abus ont pu être constatés et, d’autre part, les seuls qui se prêtent à des temps d’attente longs sans crainte de voir partir les clients.


Seulement, la mise en oeuvre risque de prendre un peu de temps. En effet, les rapporteurs proposent, compte tenu des contraintes techniques, de "fixer à deux ans à compter de la mise en place de l’obligation de gratuité du temps d'attente".

En attendant, ils proposent quelques rustines permettant au consommateur d'être pleinement satisfait de son attente sur un numéro surtaxé. Il s'agit, non pas de modifier la musique d'attente, mais :
- de la facturation du SAV par une facture spécifique, sans imputation sur la facture de l'opérateur de télécommunication ;
- d'imposer un numéro d'appel en 0800 pour le SAV (gratuit pour les appelants depuis un fixe, payant pour les utilisateurs de mobiles) ;
- d'utiliser des numéros à 10 chiffres nationaux pour appeler les SAV ou un numéro à coûts partagés non surtaxé ;
- d'utiliser un numéro surtaxé payé par l'appelant, dont le temps d'attente est compté par le SAV qui ensuite rembourse son client par l'imputation sur ses prochaines factures ;
- dernière solution : d'utiliser un numéro ordinaire et être systématiquement rappelé à une heure fixée à l'avance ou à bénéficier d'un rendez-vous précis pour rappeler. Pour les rapporteurs, "cette solution a le mérite de diminuer fortement le temps d'attente".

Le Ministère demeure donc confiant pour que la mise en oeuvre de la gratuité ait lieu d'ici la fin de l'année.

Petit jeu de l'été

L'été est souvent l'occasion de se libérer un peu. En conséquence : Jouons !.

Un mini-concours est donc lancé et provient de la lecture du jugement dans l'affaire opposant Pathé à divers annonceurs. Pour la première fois - d'après mes souvenirs - le juge a utilisé l'imparfait du subjonctif :

Leur expérience et leur importance économique impliquent qu’il serait surprenant qu’ils ignorassent tout de leur présence sur des sites de téléchargement illégal


Cette rare utilisation m'a convaincu de lancer un petit jeu : tenter de trouver avec les divers lectrices et lecteurs de ce blog, d'autres décisions "internet" ayant eu recours à cet imparfait du subjonctif. Pour pimenter ce jeu, peut-être que le gagnant - celui qui trouvera la décision la plus ancienne dans le secteur - gagnera un petit quelque chose de ma production ;-)

Pour indiquer vos trouvailles, utilisez la fonction "commentaires" ci-dessous ;-)

Les choristes font déchanter les annonceurs

Suite à la publication du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 21 juin 2006 dans l'affaire opposant Pathé à diverses entreprises (Neuf Telecom, Telecom Italia, AOL France, La Française des Jeux, SNCF, Finaref, Groupe Partouche) suite à la diffusion d'annonces en faveur de leurs produits et services sur des sites proposant illégalement en téléchargement le film les Choristes.

Le résultat de l'affaire était connu depuis longtemps. Les juges ont prononcé, le jour de la fête de la musique, la relaxe des annonceurs. Mais la motivation de la décision laisse perplexe car on s'aperçoit que le couperet n'était pas loin.

Les juges relèvent que :

Les annonceurs cités devant le tribunal de céans font un usage massif, voir exclusif en ce qui concerne Voyages-sncf.com, de la publicité sur internet. Leur expérience et leur importance économique impliquent qu’il serait surprenant qu’ils ignorassent tout de leur présence sur des sites de téléchargement illégal.

Il est tout aussi difficilement crédible de considérer que les agences médias reconnues dans leur domaine aient pu outrepasser les termes des contrats les liants à des clients si importants sans obtenir leur accord.

Il est enfin plausible de supposer que ces annonceurs aient toléré leur présence sur ces sites qui attirent plusieurs millions d’internautes chaque jour et qui constituent des supports publicitaires particulièrement attractifs.


Qu'est-ce qui a donc justifié la relaxe finalement ? Les juges ajoutent que :

Cependant force est de constater que ces déductions ne reposent que sur des vraisemblances et des hypothèses.
(...)
Ainsi aucun élément probant ne démontre leur intention de commettre l’infraction qui leur est reprochée.


C'est donc sur le terrain de la démonstration de l'élément intentionnel que les juges semblent avoir basé le fondement de leur relaxe. Si les parties civiles ou l'enquête pénale avaient réussi à démontrer un lien entre les sites et l'annonceur (et la connaissance par ce dernier de la présence des bannières sur lesdits sites), sans doute auraient-ils opté pour une solution autre.

Cela laisse donc planer un risque non négligeable sur bon nombre d'annonceurs.

mardi 1 août 2006

L'affaire Festina en bout de course

Le 24 juillet 2006, le Conseil de la concurrence a rendu sa décision concernant l'Affaire opposant le site internet Bijourama à Festina à propos de la revente sur internet de montres de cette marque.

Dans une décision du 3 février 2006, le Conseil de la concurrence avait invité toute personne intéressée à faire part de ses commentaires à propos du contrat-cadre de distribution sélective. Suite à cette décision, le Conseil de la concurrence a reçu les observations de la DGCCRF, de Bijourama, de la Fédération de l'horlogerie, de l'Association pour le commerce et les services en ligne (ACSEL) et de la société Google France.

Dans sa décision, le Conseil de la concurrence examine plusieurs éléments. Tout d'abord, et à titre préliminaire, un "incident" a dû être analysé pour vérifier si celui-ci modifiait profondément l'affaire. En effet, Festina organisa au cours du mois de mai 2006, une vente privée de montres Festina Lotus. Bijourama soulignait ainsi "l'absence de crédibilité des arguments mis en avant pour justifier des vendeurs 'exclusivement internet' du réseau de distribution de Festina France".

Le Conseil considère que "compte tenu de leur objet et de leurs modalités, ces ventes apparaissent suffisamment distinctes des types de ventes effectués tant par des opérateurs comme Bijourama que par les membres du réseau de distribution sélective de Festina France, pour ne pas affecter de manière substantielle le cadre de l’analyse des engagements proposés par Festina France et donc pour ne pas nécessiter une réorientation de la procédure".

Sur le fond, le Conseil a tout d'abord analysé la possibilité de réserver la vente par l'internet aux membres d'un réseau de distribution sélective disposant d'un magasin. Il indique ainsi que "Si aucun texte ne prévoit explicitement la possibilité pour l’organisateur d’un réseau de réserver la vente sur Internet aux membres de son réseau, une telle solution apparaît compatible dans un certain nombre de cas avec les règles de concurrence applicables aux restrictions verticales".

Concernant la soumission à autorisation de la publicité et de la réalisation de tout lien hypertexte, le Conseil de la concurrence a apporté les éléments suivants :

Le fait de soumettre, sur le fondement de l’article 5 du projet de contrat de distribution de base et de l’article 8 du projet de contrat de distribution applicable à la vente par Internet, la publicité non tarifaire des détaillants à autorisation préalable n’apparaît pas contraire aux règles de concurrence, dès lors que ce contrôle repose sur le souci légitime de protéger la renommée de la marque et du réseau de distribution. Le Conseil a déjà admis une règle similaire, dans l’affaire dite de la porcelaine de Limoges (décision 99-D-78 du 15 décembre 1999), « dès lors qu’elle visait la protection de la marque et qu’il n’était pas démontré que sous couvert de la protection, elle aurait eu pour but de permettre aux fournisseurs d’empêcher les campagnes publicitaires portant sur les prix ». Dans cette décision, le Conseil s'est référé à la décision de la Commission européenne 92/428/CEE, du 24 juillet 1992, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE au système de distribution sélective des parfums Givenchy (JOCE L 236, p. 11).

(...)

Dès lors qu’est admis un contrôle de l’usage publicitaire de la marque sous réserve que ce contrôle soit effectué dans le souci de protéger la renommée de la marque et du réseau de distribution, doit être admis dans la même mesure un contrôle de l’établissement de liens publicitaires sur Internet vers ou depuis des sites marchands ou non marchands.

Cependant, ce contrôle ne saurait concerner le simple référencement par des moteurs de recherche dits "naturels", opéré de manière automatique par des robots qui sillonnent et analysent en permanence les contenus disponibles sur Internet sans qu'aucune démarche particulière soit entreprise par les auteurs de ces contenus. Ces référencements et les liens qui en découlent ne feront en effet que renvoyer vers les sites des distributeurs agréés de Festina France dont cette dernière aura déjà pu vérifier le contenu.

Dès lors, exercer un tel contrôle sur les référencements « naturels » excèderait ce qui est nécessaire pour assurer la protection de la marque et du réseau et porterait atteinte de manière excessive à la liberté commerciale du détaillant en freinant de manière injustifiée ses possibilités de ventes passives.


Au final, le Conseil de la concurrence ne répond pas à la demande de la société Bijourama qui souhaitait que des marchands 100% internet puissent être agréés par Festina (qui exige l'existence d'une boutique physique). Le Conseil précise en effet que "rendue par une autorité de concurrence qui remplit une mission ayant pour finalité la défense de l’ordre public économique, la décision d’accepter des engagements n’intervient pas pour satisfaire la demande d’une partie mais pour mettre fin à une situation objectivement préjudiciable à la concurrence".

[Merci à Cédric Manara]