mercredi 21 juin 2006

Les loteries publicitaires rappelées à l'ordre

Dans une réponse ministérielle en date du 20 juin 2006, le ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie a rappelé le régime juridique des loteries publicitaires.

Afin d'éviter toute ambiguïté dans l'esprit de certains consommateurs qui pourraient croire que le fait de passer commande leur facilite l'accès au jeu ou à certaines modalités de selection voire augmente leurs chances de gagner, l'article L. 121-36 de ce code, qui crée une dérogation à la prohibition générale des loteries posée par la loi du 21 mai 1836, pose le principe d'une gratuité totale avant et pendant l'opération de loterie pour le participant et impose que le bulletin de participation à la loterie commerciale soit clairement distinct de tout bon de commande de bien ou d'offres de services. Il en résulte que le bulletin de participation doit être détaché ou détachable du bon de commande. Par exemple, cette exigence ne serait pas satisfaite si le bulletin de participation ou le bon de commande se trouvait l'un au-dessus de l'autre sur une page où l'on pourrait lire « pour commander vos articles, veuillez utiliser ce document qui vous permet également de réclamer votre prix ». Dans cet esprit et pour éviter de dénaturer le caractère purement promotionnel et entièrement gratuit d'une participation à une loterie commerciale, les documents qui présentent l'opération publicitaire (la loterie) ne doivent susciter aucune confusion avec un document administratif ou bancaire au nom du consommateur ou encore avec une publication de la presse d'information. Par ailleurs, les consommateurs peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-38 du code de la consommation pour obtenir gratuitement, lorsqu'il n'est pas annexé aux documents publicitaires, le règlement des opérations d'une loterie commerciale.


A noter que les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation relatives à la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur permettent de sanctionner les opérateurs indélicats qui présentent, sous le couvert de jeux-concours, des loteries publicitaires ne respectant pas les prescriptions de l'article L. 121-36 du même code. Cette qualification trouve son origine dans le caractère ambigu des messages adressés au consommateur.

Depuis plusieurs années, des instructions régulières sont données aux services déconcentrés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour qu'ils maintiennent leur vigilance en matière de contrôle des loteries commerciales. Les actions de la DGCCRF ont permis d'améliorer de manière significative la situation et de moraliser le secteur des loteries même si un nombre très réduit d'opérateurs, bien connus et fréquemment condamnés, persévèrent dans leurs pratiques indélicates. Les infractions représentent actuellement moins de 1 % de l'ensemble des procédures transmises aux parquets au titre des différentes infractions au code de la consommation. D'autre part, les professionnels de la vente par correspondance ont amélioré leur code de bonne conduite conformément aux préconisations du Conseil national de la consommation (CNC). Enfin, deux arrêts de la Cour de cassation marquent la volonté du juge face aux pratiques indélicates de certaines sociétés de vente par correspondance. - Un arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1999 a reconnu que la multiplicité des courriers ainsi que les méthodes comminatoires de la société émettrice de ces messages qui incitent les consommateurs à renvoyer le plus vite possible leur bon de participation au jeu, sous peine de perdre tout droit à participer au tirage, permettaient de fonder la qualification de mauvaise foi intentionnelle à l'encontre de la société. La Haute Cour a considéré que la privation du « gain promis » et les frustrations nées de cette fausse espérance constituaient une cause de préjudice et que ce préjudice devait faire l'objet, au cas d'espèce, d'une indemnisation. Un arrêt de la Cour de cassation du 6 septembre 2002 a reconnu l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'entreprise dès lors que, par un courrier personnalisé à un particulier, celle-ci lui avait annoncé de façon affirmative l'obtention d'un gain alors que ce n'était qu'une simple éventualité. La Haute Cour considère que la société a créé volontairement un « quasi-contrat » et s'est donc engagée à l'exécuter (article 1371 du code civil). Le mérite de cet arrêt de la Haute Cour réside en ce qu'il oblige les sociétés de vente par correspondance qui proposent des opérations promotionnelles à se montrer plus claires et plus loyales dans la présentation de leurs offres et à cesser de faire miroiter des gains illusoires par des faux-semblants. L'analyse des jurisprudences qui ont suivi cet arrêt de la Cour de cassation, dont celles de la cour d'appel d'Amiens du 8 octobre 2002 et du 22 novembre 2004, confirme les conclusions de la Haute Cour. Ces jurisprudences ultérieures révèlent que les juridictions ont désormais la possibilité de retenir une gamme plus étendue de fondements : fondement contractuel ou délictuel, retenant ou non l'existence d'une faute de l'opérateur ; condamnation sur la base d'utilisation de formules à sens caché et/ou sur celle du caractère répétitif et inconditionnel de l'annonce de gains ; condamnation pour non-mise en évidence du caractère aléatoire du gain ; condamnation pour utilisation d'une typographie extrêmement réduite et peu lisible pour un consommateur moyen normalement avisé, etc. Dans ce contexte de décisions judiciaires favorables à la protection des consommateurs, les services de contrôle de la DGCCRF poursuivront leurs actions de vérification des messages publicitaires élaborés par les organisations de loteries commerciales et dresseront procès-verbal chaque fois qu'une infraction sera constatée. Les consommateurs de bonne foi seront invités à se constituer partie civile à l'appui d'une procédure pénale ou à saisir directement les tribunaux civils en vue d'obtenir le versement du gain promis lorsque l'organisation d'une loterie annoncera un gain à une personne nommément désignée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa (pré-tirage au sort).


Mais l'internet bouscule cette problématique en permettant à des consommateurs français de recevoir des publicités en faveur de loteries commerciales basées dans d'autres pays de l'Union européenne. Ces loteries demandant souvent au consommateur d'envoyer une contribution financière pour participer au tirage ou pour recevoir le lot annoncé.

La réponse rappelle que deux textes communautaires devraient permettre de réprimer plus efficacement ces comportements. Il s'agit tout d'abord du règlement européen relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs du 27 octobre 2004, qui entrera pleinement en vigueur à la fin décembre 2006 et qui instaure un dispositif de coopération administrative entre les autorités des différents états-membres chargées de la protection des consommateurs pour lutter plus efficacement contre les pratiques commerciales transfrontières illicites.

Il s'agit enfin de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs du 11 mai 2005 qui condamne les pratiques commerciales trompeuses et pourra donc s'appliquer à certaines loteries mensongères. Cette directive devra être transposée en droit national avant juin 2007 dans le cadre du projet de loi "Breton".

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