mardi 23 août 2005

L'information sur les frais de livraison : où s'arrête une offre ?

Un cas pratique vécu par un ami en matière de commerce électronique me permet de lancer une petite réflexion sur la notion d'information sur les frais de livraison. La situation est la suivante. Souhaitant faire ses courses sur l'internet, il décide de choisir l'un des grands supermarchés en ligne. Grand consommateur d'eau devant l'éternel, notamment en cette période de grande chaleur, il décide d'acquérir plusieurs packs de bouteille d'eau.

Il passe sa commande, arrive au niveau de la validation de sa commande et là, surprise, il constate qu'un supplément "frais de livraison exceptionnels" est ajouté. Après avoir adressé un email de mécontentement à la société, il reçoit la réponse suivante :

"Au delà de 36 litres d'eau plate minérale, plate de source ou gazeuse, une participation au frais de port sera facturée 0,12 € par litre supplémentaire. Ces frais de port supplémentaires ne concernent que les bouteilles d'un format supérieur ou égal à 1 litre. Ceci est expliqué dans nos conditions générales de vente, visibles sur notre site internet, et à la page 11 de votre catalogue 2005".

L'oeil du juriste aiguisé étant attiré par le mot "conditions générales de vente", je décide d'aller voir ces fameuses dispositions. Et, surprise, aucune disposition ni des CGV, ni des conditions particulières ne fait référence à ces frais de livraison supplémentaire.

En fait, ceux-ci n'apparaissent qu'avant la validation définitive de la commande - juste avant le clic sur le mode de paiement. Cette pratique est-elle conforme aux dispositions de l'article L.121-18 du Code de la consommation ?

Le texte prévoit que "l'offre de contrat doit comporter les informations suivantes (...) 2º Le cas échéant, les frais de livraison". A partir de quand, s’arrête l’offre ? La limite semble être le contrat, qui selon, le Code civil est formé à compter du double-clic ("pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation").

Ainsi toute l’information pré-contractuelle visée à l’article L. 121-18 doit être diffusée préalablement à ce fameux double-clic. Dans le cas présent, l’information sur les frais supplémentaires apparaît après le 1er clic, une fois que le consommateur a pu consulter son panier, en modifier le contenu et l’a validé une première fois. A ce moment là, l’écran récapitulatif, censé emporter formation du contrat, annonce les frais de livraison (et son supplément).

Même si un tel affichage peut apparaître tardif au consommateur (qui finalement décidera de ne pas poursuivre le processus contractuel), il semble qu’il soit conforme à l’article L. 121-18 du Code de la consommation, cette information arrivant avant le deuxième clic.

La seule critique que l’on pourrait soulevée serait sa présentation. En effet, si le montant des frais exceptionnels apparaît clairement dans le récapitulatif du montant total de la commande, celui-ci demeure "noyé" dans une page dédié à la sélection du mode de paiement.

lundi 22 août 2005

La phrase du jour : le concept de "l'informaticien juriste"

Au détour de la lecture de décisions de justice, un passage a retenu mon attention dans un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence de janvier 2005 :

"Attendu qu'en sa qualité d'informaticien, Monsieur B. ne pouvait ignorer les règles légales en vigueur sur Internet, le site créé ne pouvant entrer dans l'exception de parodie car celle-ci ne s'applique pas au droit des marques".

Même si nul n'est censé ignorer la loi, j'ai un doute sur l'équation informaticien = juriste.

mercredi 17 août 2005

Supermarchés en ligne : le pays où la vie est moins cher

Comme le dit la publicité, avec l'internet peut-on trouver le pays où la vie est moins cher ? Depuis plusieurs années et malgré les nombreux déboires rencontrés, j'étais fidèle à Ooshop, le e(hy)permarché de Carrefour. Sous l'influence de Catherine (qui depuis sa hutte de Castor se reconnaîtra :-) ), j'ai voulu essayer un autre supermarché en ligne : Auchan Direct.

Côté service, rien à dire : respect de la commande, livraison un peu en avance .. et surtout, les produits étaient très bien protégés (j'aurais pu à l'occasion tenter de recommander des bouteilles en verre !).

Côté prix, j'ai fait une comparaison sur 12 produits figurant à la fois sur ma commande Auchan et ma dernière commande Ooshop. Le résultat des courses est le suivant :

1er : Auchan (30,28 €)
2ème : Ooshop (30,64 €)

mardi 16 août 2005

Une petite agence de voyage peut-elle rivaliser avec l'internet ?

Cette question doit être dans l'esprit de nombreuses agences de voyage. En effet, trois évènements perturbent le secteur du tourisme : 1/ le contexte international incitant les touristes à rester dans leur pays 2/ le développement des commandes en ligne surfant sur la vague (ou le mythe ?) des voyages à bas coûts et enfin 3/ la modification du mode de rémunération des agences de voyage par Air France depuis le 1er avril (à noter que cette modification avait été faite au milieu des années 90 par les compagnies américaines).

Résultat, les agences de voyage de quartier s'inquiètent en France, mais également à l'étranger. Comment s'en sortir ? Quelles sont les clés du renouveau de ces acteurs. Un papier du San Francisco Chronicle aborde le sujet.

Phishing : une nouvelle technique fait appel au .. fax

Depuis quelques jours, une nouvelle technique de phishing commence à apparaître aux Etats-Unis. Touchant pour le moment les utilisateurs du système de paiement en ligne Paypal, cette escroquerie demande aux utilisateurs de renvoyer leurs données sensibles par .. fax ! La technique est audacieuse. Elle est surtout destinée à contourner l'efficacité des messages d'alerte et des conseils de prudence qui ont pu être diffusés depuis de nombreux mois auprès des internautes.

A noter que cette escroquerie est double. Outre de communiquer ses données sensibles, l'internaute est en plus surtaxé ; le numéro de fax indiqué étant celui d'un numéro satellitaire (alors qu'il est présenté dans le message comme étant un numéro gratuit).

La limitation de la "vente au déballage" pour les particuliers

Comme de nombreux textes publiés au cours de l'été, l'article 21 de la loi du 2 août 2005 pour les petites et moyennes entreprises a tout son intérêt. En effet, il est venu apporter une précision très intéressante dans le secteur des ventes au déballage (les fameuses brocantes et autres vide-greniers) qui pourrait inciter de nombreux particuliers à se déporter vers les sites internet.

Aux termes de cet article (codifié à l'alinéa 4 de l'article L. 310-2 I) du Code du commerce), "les particuliers non inscrits au registre du commerce et des sociétés sont autorisés à participer aux ventes au déballage en vue de vendre exclusivement des objets personnels et usagés deux fois par an au plus, à condition qu'ils aient leur domicile ou leur résidence secondaire dans la commune, l'intercommunalité ou l'arrondissement départemental ou, pour les villes de Lyon, Marseille et Paris, dans l'arrondissement municipal siège de la manifestation".

Ainsi, dès lors que le particulier non professionnel est limité en nombre de "vente au déballage" dans la vie physique, ces vendeurs pourraient se déporter sur l'internet via les plates-formes de mise en relation de particuliers.

Question du jour : c'est quoi une "lettre" ?

Il ne s'agit pas du prochain sujet de philosophie du bac, mais bien d'une problématique liée au secteur du commerce électronique. En effet, avec le boom des relations commerciales entre particuliers, les envois postaux de petites marchandises (composants informatiques, livres, disquettes, CD, DVD, etc.) par des internautes se multiplient. Pour autant, ceux-ci peuvent faire face à plusieurs difficultés lorsqu'ils décident de glisser cette marchandise dans une enveloppe et d'appliquer à l'envoi le tarif "lettre".

Tout d'abord, certains guichets de la Poste refusent une telle correspondance et demandent à l'internaute d'avoir recours à un colis. Ensuite, en cas de perte/vol, certains bureaux peuvent être amenés à estimer que le contenu était prohibé, et donc qu'aucune indemnisation ne peut être accordée.

Ce sujet de la définition de la notion de "lettre" a été saisi par le Médiateur du service universel postal - dans le cadre de son dernier rapport annuel, ses missions étant maintenant reprises par l'ARCEP. Il relève en effet avoir reçu plusieurs saisines de client de la Poste se plaignant que "les envois sont parvenus au destinataire, ou ont été retournés à l'expéditeur, mais sont arrivés vides de leur contenu". "L'enveloppe porte souvent des traces de déchirures importantes (...) les clients mettent souvent en cause la probité des postiers et demandent sur cette base l'indemnisation de la valeur du contenu, parfois élevée", poursuit-il.

Après une analyse, celui-ci conclut au fait "qu'en réalité, la majorité de ces incidents tient probablement aux difficultés techniques que rencontre le système de tri automatiseé de la Poste pour les lettres contenant des objets comme ceux mentionnés ci-dessus". Cette réflexion a amené le médiateur à analyser la notion de "lettre".

Au travers d'une lecture des textes applicables (article D.9 du Code des postes et communications électroniques : "sont considérées comme lettres (...) : les envois présentés sous forme de plis à découvert ou sous enveloppe, close ou non, et constitués essentiellement par de la correspondance ou des papiers en tenant lieu") et des conditions générales de vente du produit (dont le médiateur estiment qu'elles "ne sont pas disponibles en tant que telles" !), le rapport conclut qu'aucun texte ne prohibe "formellement l'acheminement de marchandises par une prestation 'lettre'".

En conséquence, les clients "n'ont contrevenu à aucune disposition dont ils auraient pu avoir connaissance en choisissant d'acheminer des marchandises comme par exemple des composants informatiques par une prestation 'lettre'".

Seulement, ce constat pourrait évoluer. En effet, en conclusion, le médiateur indique néanmoins que "le développement du produit passe par son adaptabilité aux nouvelles techniques et technologies et donc, en pratique, par la suppression de toute entrave au traitement automatisé". En pratique, le médiateur du service universel postal invite la Poste à modifier ses conditions générales de vente - et à les communiquer au public - afin d'interdire à ses clients d'utiliser la prestation 'lettre' pour l'envoi de petites marchandises, une nouvelle prohibition qui serait justifiée "par les contraintes techniques liées à l'automatisation du tri".

Si cette préconisation est suivie, elle pourrait avoir une incidence sur ces échanges entre particuliers, l'envoi par le vendeur devenant moins "pratique" (obligation de se rendre au bureau de poste, de faire la queue pour adresser son colis alors qu'actuellement, et je suis bien placé .. car il m'arrive d'agir ainsi, il suffit d'une enveloppe, d'une balance de cuisine et d'un clic sur le site internet de la Poste pour préparer son envoi et l'affranchir).

Quelle est la responsabilité des Pagesjaunes.fr en matière de publicité ?

Voici une décision qui ajoute un élément dans les débats relatifs au régime juridique des liens sponsorisés. En l'espèce, en juillet 2001, la société Premier Telecoms s'est fait attribuer par France Telecom un numéro audiotel pour exploiter un service d'assistance téléphonique. Parallèlement, elle fait une demande aux Pages Jaunes de l'inscrire dans l'annuaire pagesjaunes.fr sous l'intitulé "Free Agence Distributeur". En particulier, figurait l'annonce suivante :

Free Agence Distributeur
90 rue d'Aboukir
Mél : agenceinternet@free.fr
activité : fournisseur d'accès internet

S'estimant victime d'agissements frauduleux et d'actes de contrefaçon de la part de Premier Telecoms, "actes facilités par la négligence de Pages Jaunes", le fournisseur d'accès assigne les deux sociétés. Dans un jugement du 23 février 2004, le TGI de Nanterre a condamné Premier Telecoms pour contrefaçon et a retenu la responsabilité pour faute des Pages Jaunes.

C'est ce point que vient de confirmer la Cour d'appel de Versailles dans un arrêt de juin 2005. Elle relève tout d'abord "qu'aucun usage illicite de [la] marque ne peut lui être reproché] dès lors que les Pages Jaunes "avait seulement fourni le support de l'annonce litigieuse, sans être l'auteur de la reproduction illicite de la marque".

En revanche, "si d'une manière générale, aucune obligation de résultat ne peut être mise à la charge de la société Pages Jaunes en sa qualité de régisseur de publicité, et si l'ont peut donner acte à la société Pages Jaunes de ses efforts pour limiter les risques d'un usage illicite d'une marque, d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale, il n'en demeure pas moins que, dans la présente espèce, la société Premier Telecoms avait déposé une multitude de demandes identiques concernant non seulement les sociétés Free et One.Tel, mais également les sociétés SFR, TPS, AOL, BOUYGUES, TISCALI, FREESBEE, VIZZAVI, Canal Plus et même WANADOO et ORANGE, ces deux dernières étant filiales du même groupe France Telecom".

Les jugent en concluent que "la société Pages Jaunes a accepté l'ordre de parution de ces annonces sans réagir ni procéder à la moindre vérification des droits de la société Premier Telecoms, alors même que ces annonces ne mentionnaient pas son nom, et que leur libellé incluait une marque, une dénomination sociale ou un nom commercial connus dans les secteurs d'activités en cause, et sur lesquels la société Premier Telecoms ne pouvait justifier d'aucun droit privatif".

La Cour d'appel retient donc la faute des Pages Jaunes pour négligence, "quelle que soit par ailleurs la teneur de ses conditions contractuelles" et la condamne à 40.000 € de dommages et intérêts.

lundi 15 août 2005

Le Crédit Mutuel victime de phishing

Après une "attaque" organisée le 27 mai à l'encontre de quatre banque françaises, voici que le Crédit mutuel est victime de phishing. Un message adressé à plusieurs milliers d'internautes les invite à cliquer sur un lien, relativement pernicieux puisqu'il s'agit de creditmutuei.com ("i" au lieu de "l"), nom de domaine déposé le 12/08/2005 quelques heures avant le lancement de l'attaque.


jeudi 11 août 2005

L'acte authentique électronique lancé !

On attendait les décrets d'application depuis cinq ans : ils l'ont été ce matin. En effet, un décret n° 2005-972 du 10 août 2005 modifiant le décret n° 56-222 du 29 février 1956 pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice et un décret n° 2005-973 du 10 août 2005 modifiant le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires ont été publiés au Journal officiel.

Concernant les notaires, le texte prévoit que l'officier ministériel devra utiliser "un système de traitement et de transmission de l'information agréé par le Conseil supérieur du notariat et garantissant l'intégrité et la confidentialité du contenu de l'acte". Ce système devra être interopérable avec celui des autres notaires et organismes auxquels les données doivent être transmises (à noter qu'il s'agit je crois du premier texte juridique français utilisant cette notion d'interopérabilité).

L'acte notarié électronique devra être signé électroniquement (conformément aux dispositions du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001) ; cette signature devant être apposée par le notaire dès l'acte établi, si besoin après réunion des annexes à l'acte.

Chose intéressante, le texte précise que "Pour leur signature, les parties et les témoins doivent utiliser un procédé permettant l'apposition sur l'acte notarié, visible à l'écran, de l'image de leur signature manuscrite".

Pour ceux que le sujet intéresse, vous pouvez également consulter la recommandation du Forum des droits sur l'internet de novembre 2003 sur le premier projet de décret.