jeudi 25 novembre 2004

Un droit de rétractation sur les oeuvres numériques protégées ?

Continuons mes quelques réflexions autour de l'exercice du droit de rétractation. Aujourd'hui : quid des oeuvres numériques protégées par des DRM ? En pratique, si je décide d'acheter un fichier musical sur l'une des plates-formes musicales payantes, puis-je demander à exercer mon droit de rétractation si le morceau sélectionné ne me passionne pas ?

Aux termes de l'article L. 121-20-2 du Code de la consommation, le droit de rétractation ne peut pas être exercé dans le cas d'une "fourniture de biens (...) qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés". Ce texte peut ainsi viser les oeuvres numériques qu'il est difficile de retourner dès lors qu'une copie est potentiellement toujours présente sur le disque dur, copie toujours utilisable.

Seulement, dès lors que certaines protections peuvent être fixées au sein de ces fichiers téléchargeables, ne peut-on pas essayer d'y trouver des arguments permettant d'exercer un tel droit de retour. En effet, avec certaines mesures de protection technique, lors de l'ouverture du fichier, une connexion a lieu entre l'ordinateur de l'utilisateur et le serveur tendant à vérifier que l'utilisateur a bien les droits sur l'oeuvre en question. En pratique, cela a pour effet - comme me le disait un prestigieux collègue ce midi - de faire revêtir au fichier numérique une "enveloppe de matérialité".

Donc en pratique, imaginons qu'un consommateur exerce son droit de rétractation lors de l'achat d'un tel fichier, le vendeur peut avoir les moyens de bloquer les futures utilisations de la copie du fichier laissée par le consommateur sur son disque dur après le retour. Dans ces conditions, doit-on encore y voir un bien qui n'est pas susceptible d'être réexpédié ? Et donc, finalement, ne peut-on pas invoquer un droit de rétractation dans ce cas très précis (là où le vendeur à un pouvoir de blocage à distance).

On pourrait rétorquer que cela est "délirant" (je l'avoue .. :)), dès lors que le consommateur a eu tout le loisir d'écouter sa musique pendant les fameux 7 jours. Seulement, il faut rappeler que le principe même du droit de rétractation repose sur l'usage du produit : ce délai est prévu pour permettre à l'acheteur de tester le produit (voir dans ce sens : TGI Paris, 4 février 2003, Famille de France c/ Père Noel : "le droit de rétractation est absolu et discrétionnaire et permet au consommateur d'essayer l'objet commandé et d'en faire usage"). Pourquoi ne pas alors tester la musique ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un fichier musical ne fait sans doute pas partie des "fourniture de biens" désignées par le 2°) de l'article L 121-20-2 du code de la consommation, qui énumère toutes les execptions au droit de rétractation. Cet alinéa ne concerne que les produits.
Mais pour autant, la terrible liste de l'article L.121-20-2 est une source d'inspiration pour déceler des solutions au cas de la rétractation après l'achat d'un fichier musical.
En effet, cet articcle prévoit que les enregistrements audio et vidéo ne peuvent faire l'objet d'une rétractation "lorsqu'ils ont été descellés par le consommateur". On peut donc tout à fait soutenir qu'un fichier revêtu d'un sceau électronique peut donner lieu à rétractation tant que le fichier n'a pas été descellé ...
On n'a jamais tant besoin de son esprit
que lorsqu'on a affaire à un sceau. (Proverbe chinois)

Mais ce qui inquièe pour faire triompher cette solution, c'est l'extraordinaire 1°) du même article L.121-20-2, qui supprime la rétractation pour la prestation "dont l'exécution a commencé, avec l'accord du consommateur, avant la fin du délai de sept jours". Donc, si le consommateur a accepté par un consentemernt suffisamment explicite de recevoir son fichier mp3.