jeudi 11 janvier 2018

L'amour rend aveugle, même sur Facebook

L'adage populaire ne peut trouver de meilleure application que dans ce contentieux entre une banque et le détenteur d'un compte bancaire.

Un homme entre en relation via Facebook avec une femme vivant au Burkina Faso. Ils entretiennent des échanges, se parlent rarement au téléphone, mais ne se voient jamais. Un jour, la femme lui demande d'encaisser le chèque d'une amie et d'envoyer la somme correspondante en Afrique. Comme il l'indiquera plus tard, afin de renforcer ses liens amoureux, il s'exécute.

Le 15 novembre 2014, il dépose sur son compte bancaire ouvert à la Société générale le chèque en question. Le 19 novembre, les sommes sont créditées sur son compte. Sans attendre, il retire alors en liquide en deux fois, 6000 euros. Sommes qui seront envoyées en Afrique.

Or, en application du droit financier, le chèque est toujours crédité "sous réserve de son encaissement". Il apparaît alors que le chèque a été falsifié. Les sommes correspondantes sont alors déduites du compte bancaire du titulaire. L'amoureux devient alors débiteur de sa banque.

Comprenant tardivement la supercherie, il dépose une plainte qui sera classée sans suite, faute de pouvoir identifier l'auteur de l'escroquerie. Il engage en parallèle la responsabilité de l'établissement bancaire, mettant en avant la négligence de la banque qui aurait crédité un chèque falsifié.

Devant la Cour d'appel de Bordeaux, l'argument ne porte pas. Les juges rappellent tout d'abord que "la banque est tenue de créditer le compte de son client qui dépose un chèque du montant de ce chèque immédiatement, en application de l'article L 131-1-1 du code monétaire et financier" et que "La seule exception permettant à la banque de s'opposer au paiement immédiat du chèque remis par son client vise le cas où le chèque présentait une anomalie apparente telle une surcharge ou se révélait d'un montant tel qu'il imposait des vérifications de sa part". Et de conclure que "le chèque est déposé aux risques du bénéficiaire qui devra en supporter le montant en le remboursant à la banque si la provision n'existe pas".

Sur la négligence de la banque, les juges rejettent toutes les demandes:
"Non seulement la banque Société Générale n'a commis aucune négligence, mais en outre il est possible de considérer que c'est monsieur X qui a commis une imprudence en effectuant des paiements ou des retraits sans attendre de savoir si le chèque était effectivement provisionné, car, au vu de la plainte qu'il a déposée auprès des services de police, il a reçu ce chèque sans avoir de créance égale à son montant et il ne connaissait pas l'émetteur du chèque qui serait un ami d'une relation qu'il n'avait jamais rencontrée physiquement pour l'avoir seulement rencontrée sur Internet ou avec qui il avait discuté par téléphone et qui avait, selon ses dires, déménagé sans laisser d'adresse".

En conséquence, la demande est rejetée et le titulaire du compte condamné à rembourser le solde.

CA Bordeaux, 21/12/2017, n° 2016/07417

dimanche 28 février 2016

Peut on être licencié pour quelques tweets postés depuis son bureau?

Peut-on être licencié quand on poste quelques messages Twitter depuis son bureau et pendant ses heures de travail ? Une question que de nombreuses personnes peuvent - ou devraient - se poser.

Un employeur avait décidé de procéder au licenciement de son salarié selon les motifs suivants, exposés dans la lettre de licenciement:
Le 28 juin 2011, nous avons découvert que vous utilisiez massivement l'outil twitter à des fins extra-professionnelles. Ainsi, au cours des seize derniers mois, vous avez gravement manqué à votre obligation de loyauté à l'égard de votre employeur en communiquant sous le nom de la société dont vous être actionnaire, [X], à de multiples reprises pendant vos heures de travail et à partir du matériel appartenant à la société [Y]. 
Il apparaît que vous avez émis au minimum depuis votre entrée dans la société 1.336 tweets depuis votre compte http:/twitter.com/[X] Depuis deux mois, ce sont également 90 tweets qui ont été émis depuis ce même compte. Cela représentant plusieurs dizaines d'heures de travail rémunérées par [Y] alors que vous agissiez pour le compte de la société [X].
Comme toujours, les juges font une analyse au cas par cas de l'usage fait à des fins personnelles de l'outil mis à disposition du salarié à des fins professionnelles. Sans aller jusqu'à interdire tout usage personnel, les magistrats recherchent si cet usage a eu un caractère particulièrement abusif.

En l'espèce, les juges relèvent:
Sur le premier point, la société [X] reproche à son salarié l'envoi de 1336 tweets non professionnels pendant le temps de travail, depuis l'embauche ; quand bien même ce grief serait avéré nonobstant l'absence d'horaire d'envoi des tweets il apparaît, à supposer dans une estimation particulièrement large que chaque envoi ait requis un temps de 1 minute, que l'envoi de l'ensemble des 1336 messages correspond en moyenne à moins de 4 minutes par jour au cours des semaines où [le salarié] travaillait 5 jours et moins de 5 minutes par jour si l'on retient les semaines de 4 jours à compter de janvier 2011, et ce en tenant compte des congés du salarié ;

L'envoi également reproché de 90 tweets en 2 mois, correspond à l'envoi de moins de 3 tweets par jours travaillés (4 jours par semaine) soit moins de trois minutes ; Compte tenu du fait que le salarié n'était soumis à aucun horaire ainsi que le prévoit expressément son contrat de travail, le fait d'avoir le cas échéant, pu consacrer un temps aussi limité à l'envoi de tweets non professionnels, y-compris à des horaires communément retenus comme travaillés ce qui n'est pas démontré, alors que le salarié était au demeurant du fait de ses fonctions, connecté à internet de manière quasi continue, ne peut être retenu comme fautif
L'envoi de 4 tweets par jour, durant les heures de travail, ne constitue pas un usage excessif de l'outil mis à la disposition du salarié par son employeur. Le salarié ne peut donc pas être licencié de ce fait.

Source:
CA Chambéry, 25 février 2016, n° 2015/01264